Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Chroniques d'un vieux bougon
5 février 2011

Terre

"Je dis Terre Je retrouve / entre les pierres, les racines / d’un cadastre balayé par les vents / le passage secret de la source à l’Éternité."(Joseph Paul Schneider / "Marges du temps" / Éditions Saint Germain des Prés). 

Un vent de bise nocturne a chassé les derniers nuages. Figé et transparent, l’air éclate de lumière sur un ciel au bleu d’acier. De temps à autre, un vol de corbeaux dessine un trait noir qui s’évanouit bientôt. Encore invisibles, les premières grues repues des chaleurs du sud regagnent leurs résidences d’été à grand renfort de cris rauques. Des fragrances d’humus montent des talus piquetés des clochettes blanches des perce-neige. Le sol dallé de granit du sentier brille encore de gel dans les recoins d’ombre mais mes vieux brodequins de marche s’agrippent sans rechigner. Le poing sur mon bâton de coudrier, je grimpe d’un pas alerte vers le sommet. Un peu essoufflé tout de même mais heureux cependant de goûter aux joies de l’effort. La culture judéo-chrétienne a ceci de bon qu’elle sait associer peine et plaisir. Quelle récompense à l’arrivée !

J’ai décidé d’aller admirer la vue sur les vallées depuis le lieu dit "la Butte". Il ne s’agit en fait que d’un puissant amas de rochers dégagés au fil des siècles par une érosion aussi opiniâtre qu’un crâne de paysan mais qui, du haut de ses cinq cent trois mètres, parvient donner illusion. Je ne suis pas déçu.

Á mes pieds, s’étirant jusqu’à l’horizon, s’étalent paresseusement les hanches molles des collines. Leurs combes, parsemées ça et là de sombres toisons, évoquent de voluptueux mystères. Au loin, le tracé argenté d’un ruisseau dessine des arabesques compliquées avant de disparaître. Au pied d’un monticule grisâtre s’élève le trait de fumée bleue d’un brûlis, révélant la présence de l’homme.

Je croyais effleurer, ici, le ciel de la main et retrouver l’innocence d’une éternité perdue. Il me faut me rendre à l’évidence. Je ne me tiens réellement qu’aux marges de mon propre cadastre. (© Roland Bosquet)

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Chroniques d'un vieux bougon
Publicité
Chroniques d'un vieux bougon
Albums Photos
Newsletter
Derniers commentaires
Archives
Publicité