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Chroniques d'un vieux bougon
6 février 2011

La hulotte ahurie

 Veillée de fête, hier. Le Vieux Bougon recevait en son antre son vieil ami "Le Hiboux" et sa compagne Sophie. Le Hiboux, Jacques, de son prénom, doit son surnom à la couronne grise qui encercle son crâne chauve et à ses grosses lunettes rondes qui lui donnent des airs de hulotte ahurie. Sophie, quant à elle, est aussi menue et discrète que lui est vaste et bruyant. Il enseignait le latin et nous nous rencontrons de temps à autre au Céladon. Elle peint d’inquiétantes vouivres aux escarboucles écarlates qu’elle expose un peu partout en Europe, Bruxelles, Nuremberg, Milan, Paris. Comme moi, ils ont renoncé à user leurs semelles et leur patience dans la cohue de la Folle Journée. Combien, pourtant, aurions-nous aimé entendre le fameux concerto pour violon et orchestre composé par Alban Berg à la mémoire de Manon Gropius ! Des enregistrements existent, bien sûr. Jacques est définitivement conquis par l’Ivry Gitlis. Je le trouve "daté" et lui préfère l’Itzhak Perlman avec le Boston dirigé par Oshawa. Que fera Capuçon à la radio ? C’est la raison, ou le prétexte, de leur présence sur mes terres.

 Hier donc, alors que les derniers rais de jour s’effilochaient lentement au-dessus des frondaisons, Sophie sortit de son cabas deux gros saucissons en provenance directe de chez son artisan charcutier (fabrication maison certifiée !), un épais pâté charentais dans sa terrine, (Cuit à la ferme à la tuerie de cochon de décembre dernier ! ), des petites croustades au fromage de chèvre ou à l’oignon et pomme de terre qu’elle avait elle-même confectionnées et des tranches de pain paysan cuit par ses soins selon une recette toute personnelle qu’elle s’applique à conserver secrète. Avec le madiran Charles Batz 2007 puisé dans mes réserves, nous étions parés.

 Passées les bourrasques germaniques de Wagner malicieusement glissées en préambule par un René Martin facétieux, Renaud Capuçon et l’orchestre de la Résidence de la Haye ne nous ont pas déçus.Nous avons retrouvé la douleur d'Alban Berg suite à la mort de la fille d'Alma Malher, l'ange à qui est dédié le concerto. Nous avons revécu la grâce et la joie de vivre de son enfance, l'arrivée de sa maladie, sa progression si bien illustrée par la longue courbe mélodique qui court sur presque deux octaves et l'envol vers le ciel et la délivrance.

       Perdus dans la nuit d'une combe perdue au cœur des Monts, nous étions pourtant au milieu même de la salle de concert, partageant les mêmes émotions que nos voisins, en empathie avec l'orchestre. Au milieu du monde. (Roland Bosquet)

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