"La Maison bleue"

        Lentement, à petits pas, les familiers, les ayants-droit, les redevables et les curieux s'engouffrent dans l'église de Chavagnac. Les hautes voûtes résonnent des conversations poursuivies à mot couvert. Depuis leur socle de stuc terni par la poussière, les statues de plâtre aux couleurs passées observent avec indifférence cette foule afférée. Chacun s'installe sur les vieux bancs lustrés par des générations de fidèles selon qu'il souhaite être vu ou seulement satisfaire sa curiosité..... Point de larmes, ici. Point de drames ni de cris. Cette mort s'inscrit dans le parcours ordinaire de la vie. La plupart ne sont d'ailleurs venus que pour remplir quelque devoir de bon voisinage. D'autres, parfois, présentent un visage grave comme s'ils étaient eux-mêmes confrontés à leur propre mort. En fait, ils sont simplement venus vérifier qu'ils étaient toujours vivants et ils s'en réjouissent intérieurement. Quoi qu'il en soit, dès le rituel achevé, chacun s'empressera d'oublier le défunt. La vie, inexorablement, poursuit sa course.... Assis au premier rang, comme il se doit, le fils écoute son voisin d'une oreille distraite. Il fixe sans vraiment la voir, la bière posée sur ses tréteaux et pudiquement recouverte du drap noir. De part et d'autre, deux gros cierges à la flamme attisée par les courants d'air lancent vers les ogives de pierre d'épaisses volutes de fumée... Les employés des Pompes Funèbres achèvent de déposer gerbes et couronnes lorsque Thomas entre à son tour.... (Extrait du roman " La Maison Bleue" / Roland Bosquet / Editions de la Veytizou / lire plus sur http://roland.bosquet.free.fr)