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Chroniques d'un vieux bougon
14 mars 2011

Dure leçon

       Chaque année, j'élague les haies de mon courtil. Chaque année, j'émonde les branches qui partent en tous sens, bousculant la belle harmonie que je prétends instaurer. Chaque année, je raccourcis tel noisetier qui gagne sur une allée, je coupe telle charpentière du platane qui prend trop d'importance, j'ébranche l'acacia pour le forcer à pousser en hauteur, je taille le lobelia pour l'inciter à fleurir encore plus, j'étête le boulot qui dessine un joli trait gris devant les grands sapins, je raccourcis le fayard dont l'ombre, l'été, s'étend trop loin sur la pelouse. Chaque année, j'ôte les herbes indésirables des parterres, j'arrache les chaumes des fleurs annuelles, j'aère la terre et ressème de nouvelles espèces toujours plus florifères, aux couleurs toujours plus vives et éclatantes. Plusieurs fois par an, je tonds la pelouse afin qu'un beau tapis vert et régulier s'étende sous mes yeux. Chaque année, je recommence. Inlassablement. Avec la naïve ambition de domestiquer cette nature que je dis aimer et respecter.

        Partout, sur cette planète, l'homme taille, coupe, émonde, construit, élimine. Là il détourne un fleuve. Ailleurs, il arase une colline, vide un lac, brûle une forêt. Partout l'homme prend, consomme, gaspille et détruit. Avec la naïve conviction d'oeuvrer à son bien-être et à son enrichissement. Partout et toujours l'homme oublie l'Histoire.

        Il s'extasie pourtant devant la beauté des ruines des civilisations de jadis. Il admire l'habileté et l'ingéniosité des hommes d'alors, capables, à son grand étonnement, _ il pense toujours être au sommet de la pyramide !_ de tailler, de couper, d'éliminer, de construire, de détruire. D'araser des montagnes, de détourner un fleuve, de vider un lac, de brûler une forêt. L'histoire des civilisations n'est d'abord qu'un long catalogue de décadences vite oubliées.

          Pourtant, régulièrement, la Terre lui rappelle qu'il est bien peu de chose. Parfois, agacée ou étourdie, elle bouscule d'un geste brusque les beaux édifices qu'il a élévés. Comme l'enfant qui détruit le château de cartes qu'il vient d'ériger. Cruelle leçon à chaque fois. Que l'homme enfouira bientôt au plus profond de sa mémoire pour recommencer. Inlassablement. Mais jusqu'où ? ( Roland Bosquet)

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