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Chroniques d'un vieux bougon
15 avril 2011

Mimétisme et singularité

        Ce matin, j'ai surpris Aristote, le hérisson qui avait élu domicile sous mon tas de bois, attablé devant la gamelle de croquettes d'Adèle. La faim et la tiédeur de l'air l'ont donc définitivement sortir de sa tanière. Je ne puis, quant à moi, sortir de la mienne, rivé que je suis à mon fauteuil. Je puis, par contre, consacrer ma journée à regarder mon jardin depuis la terrasse, l'écouter et le sentir s'ouvrir au printemps. Jusqu'à ce que Kevin, le fils d'Hélène et Sébastien, frappe à ma porte.

         Je crois que je ne m'habituerai jamais à la mode vestimentaire des jeunes d'aujourd'hui. Casquette plus sûrement vissée sur la tête que celle du vieux paysan dont il se moque. Tee-shirt richement illustré du sigle d'une équipe de base-ball américain sous une veste imitant le treillis des militaires qu'il abhorre. Jean trop large qui descend au ras des fesses et grosses baskets sans lacets agrémentée du logo d'une grande marque qui les fait fabriquer en Inde par des miséreux qui gagnent à peine de quoi se nourrir. Ce qu'il combat farouchement, au moins en paroles. Le jeune garçon que je découvre est, à lui seul, un concentré de toutes les contradictions de sa génération. Mais il lui faut à tout prix ressembler à ses camarades de collège. Bien qu'il porte un soin particulier à marquer sa singularité. Ce en quoi il leur ressemble plus encore. "Maman vous fait dire de ne pas vous tracasser pour votre repas de midi !" Je lui dis de la remercier pour moi. "Elle m'a dit également de vous donner le Scarlatti de Tharaud", ajoute-t-il en s'éloignant, les écouteurs de son iPod accroché aux oreilles. "Attends, suis-je obligé de lui crier. N'as-tu pas le temps de l'écouter, lui aussi ?" Il accepte de sourire. "Je l'ai déjà écouté trois fois !" Devant ma perplexité, il ajoute: "En cachette, bien sûr. Sinon ma soeur le raconterait à ses copines et alors...!"

          Je n'imaginais pas qu'il pouvait être si indispensable pour lui de paraître à l'opposé des goûts de ses parents. Que lui importe donc l'avis des copines de Sarah ou celui de ses camarades ? Ne pourrait-il pas, précisément, montrer par là sa différence ? Montrer qu'il ne se contente pas de ces groupes éphémères qui se font et défont au gré des modes ? Qu'il peut dépasser ces codes qu'ils imposent ? Qu'il est libre, lui ? Libre d'apprécier ces rythmes punk,  heavy-métal, grunge, hip-hop, et j'en oublie, et d'apprécier tout autant le jazz, la musique baroque, sérielle, dodécaphonique ou tonale ? Il m'écoute d'abord par politesse. Parce qu'il me connaît depuis toujours. Puis l'étonnement retient son attention. "Vous connaissez tout cela ?" J'ai écouté tout cela, bien sûr. Il n'en reste pas moins que je préfère Mozart, Bach, Chopin, Liszt ou même Schönberg. "Dis leur, à ceux qui se risqueraient à se moquer, que Van Halen, Randy Roads ou même votre idole Serge Gainsbourg ont largement puisé dans la musique dite classique. Ils t'en voudront seulement de te montrer plus savant qu'eux !"Il rebranche son appareil et repart en pointant le pouce vers le ciel. L'idée semble lui plaire. (Roland Bosquet)

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