Les risques des voyages

      Je dispose de beaucoup de temps libre étant interdit de travail au jardin. J'en profite donc pour éplucher les nouvelles du monde jusqu'au denier paragraphe. C'est ainsi que je lis que deux jeunes Suédois partis en voyage de noce se sont retrouvés confrontés aux soubresauts climatiques et terrestres qui ont alimenté les colonnes des journaux et les écrans de télévision de ces derniers mois.

        Après avoir échangé des voeux éternels devant les autorités de la ville de Stockholm, notre couple embarque dans le premier avion dans l'espoir de partager quelques jours de paix. Ils réservent leur première étape à l'aéroport de Munich. L'idée peut paraître saugrenue mais ne venaient-ils pas de se marier ? Las ! Une tempête de neige les bloque sur le tarmac. " Qu'à cela ne tienne, pensent-ils amoureusement. On a du temps devant nous !" Leur rêve était de visiter l'Australie. Cap donc sur l'ile-continent dès que le temps est redevenu clément. C'est alors qu'ils font connaissance avec Yasi, l'un des plus terribles ouragans qu'ait jamais connu la ville de Cairn. Ils trouvent asile dans les locaux d'un centre d'achats au milieu des arbres déracinés, des branches jonchant les rues et les toits arrachés. Leur visite de la ville ne dure guère et on les comprend. Ils choisissent alors de prolonger leur séjour touristique par la découverte de la ville de Brisbane. On se souvient des vastes inondations qui submergèrent cette région en début d'année. Nos jeunes mariés ne découvrirons que désolation malgré le courage et l'opiniâtreté des habitants qui s'emploient à redonner à leur cadre de vie un aspect civilisé. Quelque peu déçus, nos deux voyageurs se dirigent vers Perth, dans l'ouest du pays. Ils doivent cependant affronter un incendie de forêt de grande ampleur avant de voir leur avion se poser. Frisant le délire de la persécution, ils décident de quitter l'ile de leur rêves et se réfugient à Christchurch dans la Nouvelle-Zélande toute proche. Une température de 22°, un jardin botanique réputé, le magnifique parc de Hagley, tout pouvait aller pour le mieux. Las ! Le jour même de leur arrivée, un tremblement de terre de magnitude 6 secoue la ville. Destructions massives comme au sortir d'une guerre et plus de cent cinquante morts. Dépités, nos deux amoureux se contentent de visiter quelques alentours avant de migrer vers le Japon en espérant sortir définitivement de la zone de malchance qui semble les environner. Las ! Après quelques jours de calme, c'est le séisme de magnitude 9 que l'on sait qui secoue le pays, un tsunami et ses vagues de dix mètres de haut qui ravage les côtes du nord-est et la centrale nucléaire de Fukushima qui frôle l'explosion. Ils ont, cette fois la possibilité de sentir le sol vibrer sous leur pieds et de voir les tuiles tomber des toits. Pourtant, ils ne s'attarderont pas, préférant orienter leur voyage vers la Chine.

          Je m'étonne, quant à moi, que les si puissants maîtres de la Cité Interdite et de la place Tiananmen aient accepté de les recevoir en dépit de cette évidente malédiction des dieux du ciel et de la terre planant au-dessus de leur tête. Je remarque par ailleurs que ce que l'on nous présente comme un voyage de noce s'étend tout de même sur quatre mois ! Et si nos deux Suédois n'étaient en réalité que des chercheurs tentant, secrètement, de vérifier quelque hypothèse scientifique ? Il conviendrait alors de leur appliquer un habile "dé-briefing" afin de comprendre comment ils ont pu avoir connaissance de tous ces événements à l'avance. Il conviendrait, en tout état de cause, de les prier de communiquer, dorénavant, leurs destinations de voyage au moins trois mois avant leur départ. Ainsi, les candidats au tourisme sauraient quelles régions éviter et les habitants de ces dites régions pourraient s'organiser en conséquence. (Roland Bosquet)