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Chroniques d'un vieux bougon
16 mai 2011

Grottes et traditions

        Armé de mon bâton de coudrier, je pousse ma promenade jusqu'à l'enclos des chèvres naines. Espérant une friandise, elles me montrent leur joie de me revoir par de jolies cabrioles. Il suffit de quelques morceaux de pain pour qu'elles m'ignorent bientôt, reportant toute leur attention sur l'herbe grasse et tendre dont elles se repaissent à satiété comme le montre leur ventre rebondi. J'admire quant à moi l'éclatante blancheur de la haie qui sépare mon courtil du chemin qui le longe. Des milliers de fleurs qui l'habillent s'exhale un entêtant parfum aux moites senteurs d'étreintes et le sourd bourdonnement des abeilles évoque irrésistiblement le ronflement du dormeur assouvi.

        Comme chaque année, lorsque les colzas charentais sont défleuris, Robert, un lointain cousin de Sébastien et apiculteur de son état, installe quelques ruches au fond du parc. Ses "filles", comme appelle ses petites abeilles grises italiennes, se gorgent alors du nectar des fleurs des aubépines, des lilas sauvages, des viornes et des spirées qui composent la haie. Lorsqu'elles sont fanées, les butineuses reportent leurs ardeurs sur les fleurs des grands acacias qui poussent en bordure du parc. A l'automne, Robert ne manquera pas, cette année encore, de m'apporter un petit pot de miel tout rond, sa marque de fabrique comme il dit. Il n'en vend d'ailleurs presque plus au particulier, réservant l'essentiel de sa production pour les soins infirmiers. L'hôpital de Limoges s'est jadis montré précurseur en la matière et tente aujourd'hui de vulgariser cette méthode de cicatrisation "naturelle". Les médecines traditionnelles rejoignent parfois les techniques de pointe! C'est le leitmotiv souvent ressassé qui renforce les croyances de ceux pour qui la tradition est mère de tous les bienfaits. Rien n'est simple pourtant en ce domaine. Les plantes qui soignent savent aussi bien tuer que guérir. Il ne s'agit souvent que d'infimes dosages pour marquer les limites de l'un ou de l'autre effet. La nature n'est ni bonne ni mauvaise_ n'en déplaise au grand Jean-Jacques_ et l'homme s'y mesure à la même aune. Point de révérence donc pour cette fumeuse tradition. Point d'admiration béate. Une écoute, un regard, une attention pour tenter d'en extraire les fariboles et les enjolivures mais point de respect figé qui conduirait au plus profond obcurantisme. La nature qui m'entoure m'éblouit chaque jour par sa richesse, sa beauté, sa force et sa poésie. Je m'applique à n'en ruiner aucun acteur tant chacun d'eux y a sa place. Tant l'homme y a sa place.

         Il est dans l'air du temps de se sentir coupable d'exister au milieu de ces merveilles. C'est toujours oublier que l'homme est un acteur aussi utile et inévitable que le puceron, la chenille ou le papillon. Quoi qu'il fasse, il modifiera son environnement. Qu'il croie bien faire ou qu'il refuse de prendre en compte les conséquence de son intervention. C'est pourquoi maints thuriféraires qui nous promettent l'apocalypse sont aussi nuisibles que les plus affreux pollueurs. Par ailleurs, demeure une question lancinante qui reste toujours sous le boisseau pour plus de commodité. Si les hommes avaient, depuis toujours, respecté la tradition, les grottes naturelles seraient-elles assez nombreuses pour les abriter tous aujourd'hui ? (Roland Bosquet)

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