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Chroniques d'un vieux bougon
17 mai 2011

L'odeur du figuier sauvage

          La première image qui me vient à l'esprit est celle du combattant terrassé. On est un homme ou on ne l'est pas ! Mais je lui préfère celle du preux chevalier déclamant ses hommages à la dame de ses pensées. Toujours pour les mêmes raisons. En réalité, je ne suis qu'un humble jardinier penché sur ses plate-bandes. Il faut savoir en effet, qu'au jardin potager, par la grâce d'une terre travaillée et fumée, légumes et ivraies poussent d'égalité. A charge pour le maître des lieux d'y porter l'ordre qu'il lui plaît. En l'occurence, l'ordre consiste à arracher les intruses et il faut, pour ce faire, mettre un genou à terre afin de les mieux reconnaître.Un oeil exercé différencie d'ailleurs au premier regard qui deviendra fétuque, poireau ou salsifis.

         Le verdict est plus délicat en matière de livres. Une couverture avenante, sans couleurs agressives, un titre joliment tourné, une illustration montrant une jeune femme tout de blanc vêtue. Vous jugez qu'il ne saurait s'agir, ici, d'ivraie. Vous imaginez plutôt des fruits fermes et goûtus. Vous retournez l'ouvrage pour consulter la quatrième, histoire d'avoir une première idée de ce qui vous attend si vous décidiez, sait-on jamais, d'aller plus avant. Vous savez pertinemment que le boniment de l'éditeur est spécialement choisi pour vous y conduire. Vous le lisez pourtant jusqu'au bout dans le secret espoir de découvrir qui est cette jeune femme appuyée contre cette voiture perdue au milieu des herbes d'une prairie anonyme. Vous ne le saurez pas. On ne vous parle que de l'odeur du figuier sauvage, le titre de ce recueil de nouvelles (Éditions Flammarion), de senteurs d'été et d'enfance. Perlerait même, ici ou là, un délicieux parfum de nostalgie ! Vous auriez tendance à la considérer comme une mauvaise herbe mais on ajoute que l'auteur, Simonetta Greggio, est une italienne qui écrit directement en français des romans traduits en une dizaine de langues. Vous ne saisissez pas bien l'intérêt de traduire en étranger des livres écrits dans la langue de la littérature; mais vous vous ressouvenez de "la Douceur des Hommes" (Éditions Stock) remarqué par le magazine Lire. Alors, vous ouvrez le livre à la première page. C'est Jean-Luc Godard en personne qui vous accueille par une phrase extraite de son film "Le Mépris". D'aucuns, pour se monter du col, convoquent ainsi Platon, Confucius ou même Michel Onfray. Pourquoi pas Jean-Luc Godard ? Vous poursuivez. " Quand ils revenaient de la mer, écrit Simonetta Greggio, brunis et asséchés par le soleil et le sel, ils étaient si crevés qu'ils n'avaient même plus la force de se parler." Vous vous dites que vous éviterez désormais d'aller voir la mer en voiture de crainte que ses pneus ne soient, eux aussi, crevés. Mais vous imaginez bien, cependant, la jeune femme de la couverture et son amant revenant à la maison à l'issue d'un après-midi de détente passé sur la plage. L'idée est si attrayante que vous décidez de découvrir qu'il va en advenir de ces deux êtres épuisés par le repos.

           Mais on ne choisit pas un livre comme on sarcle son jardin. Le coup d'oeil ne suffit pas. Lorsque vous parvenez à la fin de la première nouvelle, vous admettez que les personnages sont bien campés et que l'histoire est charmante. Mais vous attendez encore la fin. La vraie. Celle qui va bouleverser la vie de la jeune femme et de son amant et la vôtre tout autant. Mais l'auteur, déjà, s'engage dans la deuxième nouvelle et l'envie vous manque de la suivre. Alors vous refermez le livre et vous le rangez sur l'étagère du haut. (Roland Bosquet)

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