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Chroniques d'un vieux bougon
27 mai 2011

Yves Bichet, poète

        Le ciel m'est témoin que jamais je n'ai dérogé à la règle bien établie qui veut que je réserve l'après-midi du jeudi  à la Grande Médi@thèque de la Ville et, par voie de conséquence, à mes amis du Céladon. Hier donc, je ne me dérobai point malgré les dernières courbatures qui habitent encore mes chairs torturées. La tenancière, arborant un sourire que je ne lui connais pas encore, vient à ma rencontre une chaise à la main." Je suis bien aise de vous revoir, me dit-elle de sa voix cassée, On m'avait dit..." Je n'ose imaginer à quelles facéties notre ami Porthos s'est livré ! "J'ai un livre pour vous, conclut-elle, Resplandy, de dernier roman de Yves Bichet."

         Pour moi, Yves Bichet est d'abord et avant tout le poète du"Rêve de Marie" (Éditions le temps qu'il fait) et ses romans (" La part animale", "les terres froides" ou même "le Porteur d'ombre") sont manifestement écrits par un poète. Le professeur avoue d'ailleurs partager mon avis. "Il faisait le maçon, ajoute-t-il. Je gage que ses maisons de granit n'ont pas la légèreté de sa plume!" En fait, si sa plume est non pas légère mais aérienne, le sujet de son "Resplandy" (Éditions du Seuil) plonge au plus lourd de la vie d'un homme. Bertrand serre encore contre lui l'urne funéraire contenant les cendres encore tièdes de son père lorsqu'il rencontre une femme, ni belle, ni jeune mais attirante. Et ce sera pour lui le début d'une douloureuse quête au coeur de l'Histoire, celle des Rappelés de la guerre d'Algérie, et au coeur de sa propre histoire avec Agathe, son épouse et avec son père. Doubles mystères et doubles vies chahutées par les soubresauts de la société. Mais le personnage principal d'Yves Bichet est d'abord la femme. Il a l'art de la raconter  non pas telle qu'elle apparait aux yeux des hommes mais telle qu'elle est, tout à la fois tendre et rude, accueillante et fragile, protectrice et énigmatique, provocante et volontaire. C'est ainsi qu'à minuit, et sans être parvenu à quitter le livre plus que quelques instants pour faire du café, j'ai laissé derrière moi en tournant la dernière page un homme reconstruit.

          C'est pourtant en homme habité de doutes que je me réveille ce matin. Quelques scènes me reviennent en mémoire et je m'interroge sur leur pertinence. Qu'apporte celle, osée sinon hardie, qui réunit le héros, son épouse et sa meilleure amie pour de fougueux ébats ? En quoi était-il indispensable de frôler la scène scatologique là où sa fillette somatise simplement par un violent mal de ventre suite au départ de sa mère ? Les nombreux rebondissements de l'intrigue apparaissent parfois, après réflexion, un peu légers sinon fabriqués. Il reste malgré tout de l'ensemble un parfum agréable et profond qui reviendra, sans nul doute, me revisiter au moment où je m'y attendrai le moins. Pourtant, c'est encore le poète du "Rêve de Marie" que je préfère: "Un grand ciel débusqué sous les arbres / un ciel jaune, poussièreux / des pieds nus / des sabots qui s'incrustent..." (Roland Bosquet)

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