Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Chroniques d'un vieux bougon
16 juin 2011

Thierry Escaich

         Il pleut. Une petite pluie fine et délicate, comme attentive à ne rien bousculer de la belle ordonnance de mon courtil. Mais qui s'insinue et pénètre jusqu'à la racine du moindre brin d'herbe. Pas un souffle d'air n'agite les feuilles des arbres qui brillent. Leurs couleurs, ravivées, lancent des reflets verts tendres comme si elles venaient seulement de s'ouvrir. Un ciel idéal pour se plonger dans la musique. J'avais reçu, depuis quelques jours déjà mais sans prendre le temps de l'écouter, la dernière production de Thierry Escaich, "Nuits Hallucinées", envoyée par une admiratrice de l'orgue Parisot de l'église de Guibray à Falaise. Voilà qui fera, sans conteste, un contraste étonnant.

        Car Thierry Escaich, titulaire du Grand orgue de l'église Saint-Étienne du Mont à Paris, est d'abord un organiste. On le retrouve magnifiquement dans sa "Barque Solaire", un poème symphonique pour orgue et orchestre avec l'Ochestre National de Lyon. Chaque matin, Ra, le dieu soleil des Égyptiens, emprunte sa barque mythique pour cheminer sur la voûte céleste en un perpétuel périple qui conduit le monde de la naissance à la mort. Magique, parfois, et d'une sombre intensité dramatique, la musique de Thierry Escaich nous entraîne dans cette course sans fin. Les élans lyriques des percussions et de l'orgue nous empoignent dès les premières mesures et nous emportent progressivement, inéluctablement, au-delà de l'horizon. Là où le dieu disparaît chaque soir pour renaître, inéluctablement, pour une aube nouvelle. Cette liturgie, qui serait baignée d'espérance mystique chez Messiaen dont Escaich se dit proche, débouche plutôt, ici, sur une allégresse toute de sensualité. Où le commun des mortels dont je fais partie se sent plus à l'aise.

            Accompagnée par l'Orchestre National de Lyon, Nora Gubisch que l'on connaît bien pour son interprétation des "Mélodies" d'Henri Duparc en compagnie d'Alain Altinoglu, prête ensuite sa voix de mezzo-soprano aux poèmes d'Henri Michaux, "Dans la Nuit", de Tristan Corbière, "Rondel", et de Victor Hugo, "Les Djinns". La musique se teinte alors de grisaille, de bleus sombres et de rouges profonds suivant en cela l'imaginaire angoissé des poètes. L'angoisse surnaturelle avec l'enfant voleur d'étincelles de Tristan Corbière. Un tourbillon d'images et de sons semblant venir des enfers avec Hugo. Le concerto pour violon et orchestre qui clôt le disque apporte à l'ensemble un peu de légèreté avec ses accents de passacaille.

            Mais c'est la tête bourdonnante que j'ausculte le ciel qui poursuit sa purge avec persévérance. Alors, je m'installe confortablement dans mon fauteuil de rotin sous l'auvent de la terrasse. Regarder, simplement, l'herbe pousser apporte, après ces débordements, une paix indicible. (Roland Bosquet)

 

Publicité
Publicité
Commentaires
C
Ce n'est pas le propos ici j'en ai conscience mais à Falaise, l'orgue Parisot de St Gervais est vide de ses tuyaux, l'admiratrice en question est sûrement béate devant l'autre Parisot de cette ville qui lui trône somptueusement en l'église Notre-Dame de Guibray. http://www.guibray.org/
Répondre
Chroniques d'un vieux bougon
Publicité
Chroniques d'un vieux bougon
Albums Photos
Newsletter
Derniers commentaires
Archives
Publicité