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Chroniques d'un vieux bougon
17 juin 2011

Le secret de la réussite

        Bien qu'exigeant rigueur et dextérité, le mode opératoire était relativement simple. Fort de mes précédentes expériences et afin d'assurer une préparation sans faille, je n'avais pas hésité à solliciter les quatre éléments. Ainsi, j'avais attendu que le vent de bise qui distillait sa fraîcheur matutinale depuis une semaine s'inclinât vers le couchant. La légère couche de nuages en provenance de l'océan protégeant la végétation des froidures retardataires, le soleil avait eu tout loisir de réchauffer le sol. Puis, après avoir finement travaillé la terre, je l'avais aérée par un apport de terreau de feuille du jardin et humidifiée en profondeur, mais pas trop, avec de l'eau de pluie de récupération. La lune était en période ascendante et, selon Marthe Dumas, en de bonnes dispositions pour favoriser la réussite de mon projet. Tout était donc prêt pour la troisième phase de l'opération. D'une main ferme mais assez souple cependant pour laisser toute liberté aux graines pour s'exprimer, je les étalai dans les règles de l'art. Les illustrations généreusement colorées qui agrémentaient le paquet de semis laissaient présager de prodigues récoltes. Il me faudrait malgré tout patienter avant de connaître le verdict ! Mais la vertu première du jardinier n'est-elle pas d'accorder du temps au temps ?

         Je me sens aujourd'hui l'âme potache. Me voici revenu au temps si éloigné de l'attente fiévreuse des résultats. J'ai l'impression de partager l'émoi de celles et ceux qui piaffent d'impatience devant les grilles des établissements les plus renommés ou guettent fébrilement l'arrivée du facteur. Ai-je bien lu le mode d'emploi ? Ai-je bien respecté l'ordre chronologique conseillé ? J'ai fait le pari d'ignorer Pascal. Ai-je bien fait ? N'aurai-je pas dû suivre les recommandations de Stéphane Marie ou même de Laurent Cabrol ? Ne suis-je pas sorti du sujet ? Ma petite touche personnelle était-elle assez marquée ou, au contraire trop affirmée ? Ai-je bien assuré les transitions entre les trois parties ? Ma conclusion n'était-elle pas trop banale ? Il faut savoir, parfois, présenter quelque originalité sans pour autant exposer trop de hardiesse. La juste mesure est toujours fluctuante, fragile et délicate.

           Lorsque la cloche de l'église du bourg annonce tierce, je ne puis reculer plus longtemps et chausse mes sabots. Quelques grains de rosée perlent encore sur la pelouse mais le ciel est dégagé et le soleil déjà chaud. Un charivari de moineaux agite les haie du courtil. Deux tourterelles s'interpellent d'un arbre à l'autre. Un faisan me regarde approcher avec curiosité avant de se glisser dans les fougères qui bordent le chemin. Je pousse la barrière de repousses de châtaignier et m'engage d'un pas ferme dans l'allée centrale. Derrière les cardes qui dressent leurs larges feuilles avec arrogance, s'étend modestement le carré que j'avais semé trois bonnes semaines plus tôt.

          Dès le premier coup d'oeil, je sais que je pourrai sortir ma motte de beurre salé et téléphoner à Marthe pour l'inviter à partager une belle poignée de radis roses. (Roland Bosquet)

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