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Chroniques d'un vieux bougon
20 juillet 2011

Séquence pluie.

      Séquence pluie depuis deux jours. Les vents d’ouest secouent les pommiers du verger et les reines de reinettes, Granny Smith et autres Belles de Boskoop en tapissent le sol. Depuis une semaine, d’ailleurs, ma première tâche chaque matin consiste à les ramasser pour éviter qu’elles ne pourrissent sur place attirant frelons et guêpes.  Face à la sécheresse des mois précédents, nos maîtres sorciers en leurs bureaux ministériels ont dû danser jours et nuits pour faire tomber la pluie. Nul n’aurait imaginé qu'ils pourraient se révéler aussi efficaces. Mais quelque soit le siècle ou le millénaire, un paysan reste un paysan. Une longue complainte monte à présent des campagnes. « Faites cesser cette pluie qui arrive trop tard et si mal à propos ! » S’ajoutent à ces lamentations récurrentes, celles des agriculteurs qui, comme mes voisins Hélène et Sébastien, ont aussi investi dans le tourisme afin de se constituer un revenu d’appoint. Comme l’y incitent les conseilleurs ministériels en leurs bureaux climatisés. Hélas ! Les conditions atmosphériques changeantes et incertaines que nous connaissons risquent de décourager le vacancier moyen.

      Celui-ci peut en effet s’émerveiller de l’odeur naturelle émanant de la porcherie ou de l’étable_ dénommée aujourd’hui, stabulation libre_  sises à cinquante pas à vol d’oiseau de son gîte. Il peut considérer vivifiant d’être réveillé aux aurores par le chant du coq, le ronflement des moteurs de trois cents chevaux des tracteurs et les cliquetis des remorques brinquebalantes. Il peut  juger bucolique le bêlement des moutons que des gamins changent de clos au lever du jour en beuglant à tue-tête des refrains anglo-saxons quand ce n’est pas du rap de banlieue. Il peut considérer terriblement champêtre le meuglement des vaches qui font la queue entre leurs barrières de zinc dans l’attente d’être traites par une machine qui ronfle comme un régiment de sapeurs en retour de goguette. Il peut trouver un charme fou à la cabane de rondins mal dégrossis recouverte du traditionnel chaume d’éteules datant d’avant la guerre qui lui est loué pour le prix d’une suite nuptiale. Il peut accepter de ne faire qu’une toilette de chat avec l’eau froide coulant du robinet du fond de la cour parce que le cousin plombier n’est toujours pas venu réparer le chauffe-eau d’occasion acquis au vide-grenier cantonal au printemps dernier. Il peut  apprécier, pour le petit déjeuner, le pain maison aussi consistant qu’un biscuit de ration militaire,  pétri entre les doigts puissants de la mère de la propriétaire et cuit au four communal selon une tradition soi-disant médiévale. Il peut accepter de mal digérer avec force gargouillis intestinaux le café au lait entier au goût de noisette. Il peut se bâfrer jusqu’à satiété de pot au feu le lundi, de ragoût le mardi, de goulasch le mercredi et de potée à la mode locale le jeudi. Il peut souscrire aux  conseils de diététique qui préconisent de varier les fameux cinq légumes tels que les courgettes sans goût ni consistance, l’ail rose aux propriétés diurétiques, l’oignon poêlé au beurre salé, le radis noir à l’huile d’olive et le chou rave cru. L’homme a montré, depuis que l’homo-sapiens a quitté son rift natal, qu’il peut s’adapter à toutes les conditions de vie. Mais l’enthousiasme à retrouver la rude mais vraie vie d’autrefois au cœur d’un authentique terroir qui l’animait à son arrivée risque de s’émousser rapidement s’il est contraint de porter ciré et bottes de caoutchouc plus de cinq journées consécutives. Venu le jour du poisson, il explique avec des sanglots dans la voix que sa vieille mère est au plus mal et qu’il se doit de se précipiter à son chevet. Alors monte la grogne du propriétaire de gîtes ruraux et de chambres d’hôtes qui voit le pécule espéré partir à vau-l’eau.

         Je force le trait bien sûr. Les hôtes de mes voisins Hélène et Sébastien sont prêts à endurer les pires calamités naturelles car le repas à la ferme qui leur est proposé puise au jardin les ingrédients les plus sains et les plus variés. Tel le menu prévu pour le repas de midi : terrine de pâté de lapin maison, roulé de poulet de la ferme au cidre, échalotes et crème fraîche, fromage de brebis frais aux herbes et tarte aux mûres et framboises, le tout arrosé de cidre bouché. (© Roland Bosquet)

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