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Chroniques d'un vieux bougon
12 septembre 2011

Retrouvailles

       Visite hier d’un couple d’amis. Nous nous étions quelque peu perdus de vue sans pour autant ignorer ce que l’autre devenait. Les hasards de la vie nous avaient éloignés. Le hasard d’une rencontre nous a réunis. J’avais mis pour la circonstance, selon l’expression populaire, les petits plats dans les grands. Bouquet de fleurs sur la table et meilleur vin en température ambiante, pain maison, légumes du jardin et desserts variés. L’important était dans le plaisir des retrouvailles. Que deviens-tu après ces années ? Ton travail te plaît-il toujours ? Tu t’es orienté vers la formation ? De nouvelles joies pour de nouveaux défis, sans doute. La retraite ? Non, on ne s’ennuie pas. Le parc, le jardin, un bon livre, la musique, l’écriture, les amis, comment s’ennuyer ?

        Justement, avant qu'il ne pleuve, visitons le parc, ses hêtres, ses bouleaux, son bouquet de sapins, les pelouses qu'il faut tondre régulièrement, ce qui n’est pas facile avec cette météo capricieuse, les parterres aux fleurs dégoulinantes de rosée, les haies qui réclament une taille régulière, les pigeons dans leur volière, les chèvres naines dans leur enclos, Aristote, le hérisson et sa famille réfugiés dans l’appentis, Adèle, la chatte, qui se cache dans un recoin pour dormir après être venue vérifier l’identité de ces nouveaux venus, l’écureuil qui fait son théâtre de branches en branches, au loin, les appels des chiens et les coups de fusil des chasseurs qui ont le droit, justement aujourd’hui, de sortir leur fusil, rien n’est laissé au hasard. C’est amusant ces sculptures au milieu de cette petite clairière. Sculpture est un bien grand mot, disons de la récupération d’outillage de jardinier. C’est parce que tu avais peur de perdre le nord que tu as installé cette table d’orientation ? Sourires de connivence. Nous l’avons si souvent perdu, le nord, jadis ! En fait, au fil des mots et des silences, c’est une conversation du quotidien qui s’installe peu à peu. Sans l’obligation de la comédie parce que les uns et les autres connaissons nos failles et nos espérances. Nos tentatives avortées et nos petites réussites, avec l’indulgence envers soi-même et les autres que l’expérience des années a, peu à peu, distillé au cœur de nos ambitions de jeunesse. Je pose sur la chaîne le disque de Tinariwen, le groupe de chanteurs touaregs. C’est différent et familier à la fois. Du blues des sables pour chanter la rébellion contre l’état indifférent aux difficultés des nomades mais qui les craint cependant pour leur indépendance. Quelle indépendance pouvons-nous justement garder face au monde qui nous entoure, ses turpitudes, ses ratés, ses lâchetés qui soulevaient, hier, nos indignations ? C’est facile pour moi qui puis si facilement me retirer dans mon modeste havre de paix, au fond ma combe perdue au cœur des Monts. Mais eux y sont encore directement plongés. Les nouvelles normes sont continuellement édictées mais il faut bien faire avec. S’adapter. En fait, c’est ce que nous avons fait toute notre vie. Nous adapter aux oukases de ceux d’en haut qui ignorent si souvent ceux d’en bas. Ils devraient mettre les mains dans le cambouis avant d’établir leurs règlements, ils comprendraient qu'ils ne sont pas applicables. Amertume des propos à l’heure où celle du café diffuse ses arômes capiteux. Amertume de l’âme, bien sûr, lorsque les revers de nos espoirs sortent des brumes où nous nous efforcions de les maintenir. Pour pouvoir continuer de vivre, de parler, d’écouter, d’aimer.

          Nous resterions bien plus longtemps mais il faut que j’aille voir ma mère. Toujours la difficulté à sortir d’un temps pour en embrasser un autre. En dépit de nos airs entendus, nous sommes toujours des enfants face à l’inconnu. Curieux et inquiets à la fois. Ce n’était aujourd’hui qu’une parenthèse au milieu des tâches quotidiennes qui nous assaillent déjà. Mais par ces quelques heures de rencontre, nous aurons emmagasiné de nouvelles forces pour les affronter. Il faudra venir voir mon jardin. Bien sûr. Mais nous n’avons pas fixé de date. Les hasards sont si fantasques, aujourd’hui. (© Roland Bosquet)

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Commentaires
T
Merci pour ta délicate attention qui nous touche beaucoup.<br /> C'est vrai que les amis sont des personnes que l'on peut quitter un jour, comme ça, et que l'on retrouve des mois, des années après, sans même se rendre compte du temps écoulé. On pourrait presque poursuivre une conversation entamée des lustres auparavant sans que l'atmosphère ait véritablement changé. On se retrouve comme si l'on venait à peine de se quitter... sauf que les bébés sont ceux de la génération d'après et que nos enfants sont devenus parents à leur tour. Reste l'amitié au fil de rencontres, certes trop espacées mais tellement riches de souvenirs partagés, du présent que l'on savoure pleinement dans l'instant et de projets d'avenir et de nouvelles retrouvailles... Et d'ailleurs, c'est à votre tour de venir visiter notre jardin ! Amicalement. <br /> Tiriel.
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