Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Chroniques d'un vieux bougon
15 septembre 2011

Un jeune merle tout de noir vétu...

       Sur la pelouse scintillante de rosée, un jeune merle tout de noir vêtu fouille fébrilement son plumage à la recherche des derniers copeaux de nuit. Loin au-dessus de lui, un milan décrit des cercles de plus en plus larges comme s’il se préparait à disparaître derrière les collines de Monts. Loin, très loin au-dessus de lui et confirmant les prédictions des bonimenteurs météorologiques, le soleil tente de percer les nuages retardataires. J’ai donné leur friandise aux chèvres naines et pousse mes pas jusqu’au verger. Quelques pommes tombées de l’arbre jonchent le sol. Pourries pour la plupart. Il me faudra les ramasser et les jeter sur le tas de compost. Les groseilliers  sont de plus en plus encombrés de pousses de sureaux, de faux acacias et de touffes d’herbes. Un gros travail de nettoyage m’attend. Et le même diagnostique s’impose pour les framboisiers. Du haut de son observatoire, le milan ne voit sans doute qu’une fourmi affairée. Qu'il serait bon, parfois, de n’être que cigale et de s’asseoir paisiblement pour écouter les mille petites vies qui courent en tous sens.

         Mais elles sont, elles aussi, astreintes aux exigences de survie. Une brise indolente chargée des humidités océanes secoue de temps à autres les hautes branches des bouleaux. Et c’est une pluie de feuilles luisantes comme autant d’écus d’or qui flotte mollement dans l’air avant de répandre leur chaude couleur safran sur l’herbe d’un beau vert tendre. Avant même le calendrier, c’est là la première annonce de l’automne. L’écureuil le sait qui amasse déjà dans les cent recoins qu’il oubliera bientôt des provisions de glands et de noisettes. Les hirondelles décrivent leurs dernières envolées au-dessus des granges. Bientôt, elles se regrouperont pour partir vers des cieux plus cléments. La fauvette qui hantait les haies de ses petits cris rauques est déjà partie. L’alouette abandonne ses champs à la nudité dangereuse. La bergeronnette se pavane encore quelques jours dans les flaques de soleil ; mais elle ne tardera pas à émigrer, elle aussi. Accompagnera-t-elle le pouillot dont les huit-huit pressés quittent peu à peu les haies des jardins ? Aristote, le hérisson, n’attend pas les premiers frimas pour préparer  son nid de feuilles, d’herbes et de fougères sous le tas de bois.  Á ce propos, il me faudra rappeler au bûcheron du village voisin de me livrer, comme à l’accoutumée, deux cordes d’orme, de frêne ou de fayard pour alimenter ma cheminée. Quoi de plus agréable en effet, l’hiver venu, qu’une riche flambée aux arômes de terroir ?

       C’est l’âme paresseuse que je remonte du fond de mon courtil. Mes pas laissent de longues traînées dans l’herbe humide. Bientôt, ces traces elles-mêmes disparaîtront ne laissant d’autre souvenir de mon passage qu’un trognon de pomme abandonné. Ma chatte Adèle, qui somnole sur son coussin, ignore mon retour. Je m’ébroue dans l’espoir d’éloigner ces lambeaux de nostalgie qui s’agrippent comme de vieux ex-voto. C’est décidé, cette après-midi, je débarrasse les framboisiers de leurs mauvaises herbes. En attendant, je mets sur la chaîne un vieil enregistrement de l’automne de Vivaldi par la Camerata Antonio Lucio sous la direction d’Alun Francis. C’est alors que je remarque qu’un message téléphonique m’attend. « Nous serons au Céladon de la Grande Médi@thèque », dit la voix du Professeur. L’été est vraiment achevé ! (© Roland Bosquet)

Publicité
Publicité
Commentaires
Chroniques d'un vieux bougon
Publicité
Chroniques d'un vieux bougon
Albums Photos
Newsletter
Derniers commentaires
Archives
Publicité