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Chroniques d'un vieux bougon
22 mars 2012

Un bon coup de jeune

      Alix Girod de l’Ain souffre dès l’abord d’un lourd handicap. Non seulement elle porte un nom qui ressemble furieusement à un pseudonyme de gérante de rubrique courrier-du-cœur en dernière page de magazine féminin mais elle est réellement journaliste à "Elle". Il est alors aisé de penser qu’un étroit réseau d’amitiés tissé au fil des jours suffit à assurer à son dernier livre une belle brochette de critiques bienveillantes et enrubannées de rose. On aurait tort, cependant, de repousser aux calendes grecques, sur la base de ce préalable malveillant, la lecture de son "bon coup de jeune" publié chez Anne Carrière.

      Elle avait déjà produit un "autre côté du lit" qui ne frôlait pas le chef-d’œuvre mais avait permis à Pascale Pouzadoux de réaliser une comédie distrayante avec Sophie Marceau, Dany Boon et Roland Giraud dans les rôles principaux. Elle retrouve, dans son nouvel opus, ses personnages préférés, la femme, l’homme et leurs couples. Comme d’habitude, ils nous entraînent fort loin des bassins sidérurgiques aux hauts-fourneaux en cale sèche, plus loin encore des campagnes sillonnées de paysans aux bottes crottées jusqu’aux genoux  et par du tout du côté des chantiers de construction de logements sociaux désertés à cause de la crise par leurs ouvriers magrébins sans-papiers. Leur univers est plutôt bien balisé de boutiques à la mode, d’enfants raisonnablement contestataires et de rencontres gentiment superficielles. Alice, la fraîche quarantaine, écrit pour un comique de radio. Nicolas, publicitaire, s’apprête à s’inscrire au club des quinquagénaires. Ils auraient pu continuer à décliner dans l’ignorance leurs petites disputes et leurs petits bonheurs quotidiens sans cette affreuse photo qui leur révèle un jour l’odieuse réalité. Ils ont chopé le mal du siècle : l’âge ! Á l’image de l’émigré qui, ayant remonté la moitié du continent africain depuis sa Guinée Équatoriale et traversé le désert du Sahara à pied, voit la barcasse surchargée s’éloigner sans lui dans la brume du passage de Gibraltar, ils sont d’abord effondrés de stupeur et de découragement. Mais la vie reprend vite ses droits et ils vont courageusement partir en guerre contre ces stigmates incongrus de leur engourdissement de citadins repus et fatigués que sont les tempes grisonnantes, les paupières retombantes, le ventre bedonnant et les hanches redondantes. Sous le regard ébahi puis effaré de leurs trois enfants renvoyés sans remord à leur crise d’adolescence, ils vont consacrer l’essentiel de leur énergie aux infernales séances de training et aux exercices assidus d’abdos. Parviendront-ils, à l’issue de ce vaste chantier de rénovation, à retrouver leur silhouette de jeunesse et leur entrain de jeunes mariés ? Parviendront-ils, entre blanchiment des dents et discrète chirurgie esthétique, à effacer les outrages du temps ?

       Coincée entre les savants exposés des tautologues médiatiques, les sondages contradictoires commentés à satiété et les discours fumeux des divers candidats aux postes les plus prestigieux, notre époque pourrait être tentée, certains soirs, de jeter l’éponge et de s’asseoir sur le talus, histoire de respirer un peu d’air frais. Inutile de se laisser aller à de telles extrémités. Le récit, irrésistible, que nous fait Alix Girod de l’Ain de cette cure de jouvence effrénée vaut à lui seul toutes les ordonnances longues comme le bras de références d’anxiolytiques. Et vaut bien les chroniques trop souvent plombées d’esprit de sérieux de certain vieux bougon de la campagne. (© Roland Bosquet)

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