Bibliothèque municipale

     De nombreux vestiges découverts au lieu dit le "Camp de César" l’attestent : le village aurait brillé par son activité commerciale dès avant l’arrivée du conquérant des Gaules au Pays des Lémovices. Hier, il s’étirait fort paisiblement au soleil du printemps lorsque j’arrêtai mon chartil devant l’église romane dont la flèche d’ardoise du clocher dessine un trait noir sur le ciel au bleu métallique. Accueil chaleureux des dames de la bibliothèque municipale qui m’avaient invité à rencontrer leurs lecteurs. Le ton est convivial et bon enfant  et permet de faire rapidement connaissance. Le fond est modeste et provient de la Bibliothèque  Départementale de Prêt mais les espoirs sinon les ambitions de la commune en matière de lecture sont encourageants. Lit-on beaucoup à la campagne ? Le spectre de la réunion de Mamies me poursuit depuis certaines visites en maison de retraite où j’avais été cantonné dans le rôle, charmant par ailleurs, de l’animateur rompant, le temps d’une courte matinée, la monotonie des jours. Mais c’est l’heure du café et j’en profite pour présenter succinctement mon petit dernier, "Le Secret de Mathilde" et ses deux grands frères, "Le Chartil, de la Normandie au Limousin" et "La Maison bleue" dont la photographie d’un château de la région illustre la couverture. Et pleuvent les questions qui, telle la brosse à reluire, flattent toujours l’égo surdimensionné de tout auteur qui se respecte. Depuis quand écrivez-vous ? Comme ça vous est venu ? Combien de temps mettez-vous à écrire vos romans ? D’où sortez-vous toutes ces histoires ? Mais une jeune maman entre en compagnie de son rejeton qui se jette sur les casiers des bandes dessinées. Romain est friand de ces petites histoires qui le font rêver. Partages chaleureux de bises et de nouvelles du bourg. Monsieur est venu présenter ses livres. Ah ! C’est intéressant ! Le calme revient après le départ du petit cyclone. Le temps pour le maire de faire un détour jusqu’à nous, sa petite fille sur le poing. Le front timide mais l’œil pétillant, celle-ci ne tarde pas à fouiller, à son tour, dans la boite des contes pour enfants pendant que son Papy déroule avec un plaisir évident l’art d’être grand-père. Les mânes de Victor Hugo planent sur nous. Allez ! On va faire une photo pour immortaliser votre passage chez nous. Quelques visites pour rendre un emprunt, choisir un nouvel ouvrage, procéder à un échange et midi sonne dans les estomacs.  

       J’achèverai la semaine assis derrière des piles de livres à l’occasion du salon "Lire à Limoges". Soixante mille visiteurs vont défiler entre les stands des libraires dans un grand brouhaha de bousculades, de commentaires désabusés, de rencontres fortuites et de promenade dominicale. Je parlerai de Dagobert et de son grand argentier Éloi, de la brutalité de ces temps où les faibles devaient se battre pour survivre et où les pauvres n’étaient guère que du bétail corvéable à merci. Je subirai les moues hautaines des universitaires lorsqu’ils daigneront baisser les yeux vers ces petits auteurs sans diplôme. Mais je croiserai aussi les regards complices de celles et ceux qui ont lu mes précédents opus. Je chercherai des dédicaces originales et personnelles à consigner sur la première page du nouveau qu’ils acquerront au détriment, parfois, d’un achat indispensable. Et je me souviendrai alors de l’enchantement rencontré au milieu des modestes lecteurs d’une modeste bibliothèque perdue au fond de la campagne, loin des méprisances et de leurs pics de pollution. (© Roland bosquet)