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Chroniques d'un vieux bougon
23 avril 2012

Logorrhées assourdissantes

     Branle-bas dans le ban et l’arrière-ban des amis et des connaissances. Toutes et tous sont convoqués. Où ? Quand ? Comment ? Les interrogations pleuvent comme grêlons en avril. Les conciliabules s’échauffent. Les services de téléphonie aussi. En vain ! L’idée d’envoyer des pigeons voyageurs dûment porteurs de demandes d’éclaircissements est émise par notre sommité universitaire en Histoire. Déjà, lors de la bataille de la Marne… Hélène rappelle que mes pigeons bruns ne voyagent guère que quelques heures par an à la recherche d’une dulcinée. Il en va de l’avenir de la volière ! Il appert en définitive que l’assignation émane de Marthe Dumas du Mas du Goth. Elle recommande par ailleurs aux participants de se munir de leur panier repas. Question de Sophie, reprise immédiatement par Colette. Chacun doit-il apporter toute sa part ou seulement une part du tout ? Le Hibou prétend qu’en son siècle reculé, Ρλάτων philosophait déjà gravement au sujet de l’individualisme au cours d’interminables banquets. Porthos, en tant qu’ancien professeur de grec ancien, conteste la notion de "banquet" ainsi proposée. Il ne s’agirait que d’une allégorie en rien comparable aux joyeuses ripailles de nos ancêtres les Gaulois. Colette clôt la controverse en rappelant que nous ne sommes pas conviés à des agapes. Alors pourquoi sommes-nous requis ? Influencé sans doute par l’actualité, Porthos subodore un déménagement. Doit-on venir en frac ou en portefaix ? La révolte gronde alors même que le chantier n’est pas encore définitivement ouvert. Je n’ai plus l’âge de porter des meubles ! Moi, je suis allergique à la poussière ! Mon pauvre ami, c’est à l’effort auquel tu es allergique ! J’espère qu’elle n’utilise pas ces produits chimiques qui font reluire les commodes ! Moi, en tant qu’écologiste, j’utilise la cire d’abeille. Hélène met fin au débat : lapin ou poulet ? Sophie se charge des cochonnailles ! Elle est très friande de gros pâtés fermiers et de jambons cuits dans la cheminée. Comme au Moyen-âge ! Chez les bourgeois, précise l’Historien, pas chez les gens du peuple ! Porthos mime ses poches vides dans un entrechat qui se veut aérien. Colette prend une option sur la pâtisserie. Une fouasse, comme en Causse ! J’avance une bouteille du mâconnais Saint-Gengoux de Scissé qui accompagnerait fort bien les charcuteries et les viandes. Accord unanime de l’assemblée à condition que je double la provision et que j’ajoute un grave pour soutenir le fromage. Rendez-vous est donné dans mon courtil où paniers et cabas sont chargés dans le chartil de Sébastien. Le soleil "culmine en son zénith" lorsque, sous la protection d’une escadrille de choucas chassés du clocher de l’église du village par la sonnerie de l’angélus, notre convoi s’ébranle vers le Mas du Goth. Nous sommes accueillis par un Thomas affublé d’un chapeau d’épouvantail et armé d’un balai de genêts d’Espagne. La pierre du seuil est vivement débarrassée de ses ultimes scories. Finissez d’entrer, Nobles Seigneurs et Gentes Dames ! Telle la République en grand apparat, Marthe siège en son vieux fauteuil de rotin. Lové sur ses genoux, son Chat-trouvé nous observe d’un regard torve. Celui de Marthe pétille de malice à la vue de nos yeux écarquillés. Les murs de sa cuisine-salle à manger arborent une lumineuse couleur gris-beige rosé et le tuyau de sa cuisinière à bois brille comme un sous neuf. Dans la cheminée fume une branche de pommier exhalant une douce fragrance de miel. Sur la table recouverte de la nappe blanche brodée qui, selon notre hôtesse, lui vient de sa Grand-mère, le couvert a été dressé autour d’un décor de verdure. C’est Thomas ! Il voulait vous faire la surprise. Elle ponctue ce remerciement déguisé d’un sourire plein d’affection qui accentue encore le réseau de rides qui traverse ses joues rosies de plaisir. Á la radio, les commentateurs commentent les chances des deux derniers prétendants au trône de Roy de France. Je propose démocratiquement de remplacer ces logorrhées assourdissantes par les chanteurs touarègues du Tassili, Tinariwen. Le décompte des voix indique 50% pour, 50% contre. Prémonitoire ? (© Roland Bosquet)

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