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Chroniques d'un vieux bougon
7 mai 2012

Le sort en est jeté

       Le sort en est jeté ! Non seulement demain ne sera guère différent d’hier mais les nuits seront aussi chahutées. Hector et Paris se sont en effet montrés, la nuit passée, aussi exubérants qu’une escouade de militants au soir d’une victoire électorale. Non que nous soyons en Tauride. La guerre de Troie a en bien eu lieu, le fameux cheval a bien détourné la vigilance des combattants et la ville n’est plus qu’un amas de ruines archéologiques arpentées par des fouilleurs de pierres à la poursuite de leur avenir académique. Nous sommes bien, au jour d’aujourd’hui, établis au cœur des Monts et noyés dans la brume matutinale d’un lever du jour frais et laborieux. En fait, outre ses rhumatismes, ses loirs et ses grillons, ma maison héberge également deux vieux hiboux installés à demeure dans ses combles.  Ils respectent à l’ordinaire une courtoise discrétion, sortant au médianoche d’un vague bruissement d’ailes et ne rentrant qu’aux rives du matin pour une longue journée de sommeil. Mais ils ont, la nuit dernière, dérogé à leurs habitudes de bons pères de famille ! Sillonnant leur repaire de long en large d’un pas de juge à hermine au sortir de la salle des délibérations, se frottant ici contre une poutre ancestrale provenant, selon la tradition, d’un antique château médiéval, bousculant là une figurine bantoue ayant servi, dit-on, à un vieux marabout vindicatif et rancunier, renversant ailleurs les œuvres complètes de Philippe Sollers. Puis, ils se sont envolés en grand ramage vers les frondaisons voisines qui ne tardèrent pas à résonner de leurs feulements sauvages. J’espérai jouir enfin d’une paix de propriétaire et sombrer dans un sommeil réparateur. Las ! Passé le temps trop court d’une bonhomme somnolence, ils revinrent arpenter, comme s’ils en voulaient estimer la solidité, les épaisses planches de chêne du parquet. Mais ce fut pour ressortir bientôt dans  un sombre hululement propre à glacer le sang  du plus innocent des vampires des Carpates, rentrer à nouveau en soupirant comme un soufflet de forge de maréchal-ferrant confronté à un escadron de chasseurs à cheval de la garde républicaine et repartir derechef en ahanant comme une compagnie de portefaix réapprovisionnant un navire au long cours en partance pour l’ile d’Houat. Sur le matin, alors que l’aube dessinait à peine de pâles esquisses au fronton des collines, un grand chambardement secoua, en guise de point d’orgue, la bâtisse toute entière. Un lourd silence s’ensuivit, évoquant irrésistiblement l’atmosphère de la morne plaine de Waterloo après la funeste bataille. Lourd silence rapidement ponctué de piaillements impatients. Mes locataires auraient-ils transporté leur progéniture au-dessus de ma tête ? Voilà qui n’augure rien de bon pour les nuitées prochaines  et présage pire encore pour les réveils. Chat-donné lui-même, après s’être longuement étiré, ignore d’un air grognon le fond de chocolat de mon bol de petit-déjeuner et les ageasses, dans leurs bouleaux, sont étrangement calmes, presque assoupies. Pourtant, comme écrit Jacques Rancourt, "La journée est bien partie pour durer". Je vais donc devoir l’agrémenter d’un plaisir supplémentaire. Alors, je décide de suivre les conseils de la lune qui boucle justement son premier noeud du mois et de renoncer à tout labeur maraîché. J’inscris d’office au programme une plongée dans "La Sagesse des abeilles" de Michel Onfray.  Pour le lyrisme de la leçon de philosophie et parce qu’il en fut créé une scène théâtrale  montée par la Comédie de Caen. Et je glisse sur la chaîne la magistrale Maria Callas dans le rôle de Violetta dans la Traviata de Giuseppe Verdi. Pour le plaisir de retrouver ce drame baroque récemment entendu avec l’orchestre du Limousin. Spectacle alors de bonne facture qui prouve que les provinces perdues au cœur des Monts peuvent, elles-aussi, offrir à leurs autochtones, des loisirs culturels dignes des temples de la capitale. Á condition, cela va de soi, de pouvoir dormir tout son saoul dès le coucher du soleil. Mais ne bougonnons pas trop fort à l’encontre de la vie à la campagne. Le risque est grand en effet de devoir subir les remontrances des Moustaches Vertes si, enfin dégrisées, elles choisissaient de s’extirper des labyrinthiques marécages des jeux de pouvoir  et de parler d’écologie ! (© Roland Bosquet)

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