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Chroniques d'un vieux bougon
24 janvier 2013

Loin du monde

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     Petite fête chez mes voisins Juliette et Mathieu pour célébrer leur arrivée au village et présenter leur fille Anaïs. Hélène, notre voisine agricultrice, a apporté un chapon de son élevage et son soutien de cuisinière à une Juliette plus à l’aise au clavier de son ordinateur qu’au piano. Sébastien, son époux, a dégagé un terre-plein pour accueillir les voitures. Marte Dumas, du Mas du Goth, et Joseph, son hôte "vagabond du soir", sont arrivés chargés d’une belle brassée de gui pour la décoration. Pour moi, j’ai fourni l’enregistrement des "Années de pèlerinage" de Franz Liszt par Bertrand Chamayou. Après un premier verre de Tariquet premières grives chargé de soleil, la discussion s’engage sur l’improbable choix d’un jeune couple moderne de s’établir ainsi loin de tout. "Loin du monde" comme David, le héros du roman de Sébastien Ayreault, décrit avec gouaille son propre village, avec seulement "quatre saisons, une zone industrielle et deux terrains de foot ". Ne craignez-vous pas que votre éloignement de la ville ne vous isole de vos amis, s’inquiète Sébastien ? Le rire de nos hôtes rassure l’assistance. « N’êtes-vous pas nos amis ? Notre fille Anaïs ne trouve-t-elle pas auprès de vous un Papet déjà subjugué par son charme, une grand-mère attentionnée, une tante experte devant les fourneaux, un oncle berger avec son troupeau, ses fromages de brebis et son chien qui court en tous sens et un autre oncle grand voyageur la bouche pleine de récits d’aventures ? » Certes ! Voilà qui ravirait probablement Marcel Rufo qui rappelle avec conviction dans son essai "À vous de jouer" l’importance des grands-parents dans la construction des enfants. Néanmoins, à la campagne, le risque de solitude demeure ! Le bon air des arbres, c’est bien lorsque le soleil brille mais lorsqu’il pleut depuis une semaine ou, pire, lorsque la neige  et le verglas bloquent la voiture dans le garage, on peut se sentir à l’étroit entre les haies d’aubépines et de noisetiers. Les journées peuvent paraître longues. Par ailleurs, point de médecin à deux stations de métro pour la coqueluche de la petite. Le service des Urgences Hospitalières est distant d’une belle heure de route. Tout comme l’opéra-théâtre où se jouent  l’Aïda de Verdi ou le concerto d’Alban Berg par l’Orchestre Philarmonique de la région ainsi que la Grande Médi@thèque qui expose, après Berlin, Vienne et Montréal, les vouivres de notre amie Sophie. En un mot, la campagne peut se révéler un désert pour des citadins.  « Demandez à Christian Oster si cette solitude n’existe pas aussi dans nos grandes cités ? répond Juliette, la littéraire. Dans son roman "En ville", ses personnages ne souffrent pas de la prégnante obligation de "gagner leur modeste vie" comme les parents du David de Sébastien Ayreault. Ils sont médecins, cadres ou journalistes. Mais ils l’usent, leur vie, en trajets RER, en visites d’appartements, en errances du soir entre bars chics et vaines réceptions mondaines. Ils vivent engoncés dans une prison qu’ils ont eux-mêmes édifiée autour d’eux  à l’image de Jean, condamné à contempler les voies de berges derrière les vitres de son appartement à cause du bruit. En fait, la sexualité vacillante, la santé chancelante et les émotions déclinantes, leurs petites lâchetés urbaines les ennuient, leurs futures vacances en Grèce les ennuient, leurs amours hésitantes les ennuient. Ils "communiquent" mais la belle technologie les éloigne plus qu’elle ne les rapproche. Pour eux, l’amitié, la générosité et l’amour ont perdu tout leur sens. Ne leur reste que la solitude. Une solitude glacée comme le style de l’auteur. Loin des arbres, du parfum des fleurs, du vent dans les hautes herbes, des merles et des mésanges aux chants assourdissants mais si riches et si présents. Loin de vrais voisins, attentifs et généreux. Loin de la vie. Loin de la vraie vie. (©Roland Bosquet) "Grands-parents à vous de jouer", Marcel Rufo Éditions Anne Carrière / "En ville", Christian Oster, Éditions de l’Olivier / "Loin du monde", Sébastien Ayreault, Éditions Au Diable Vauvert.

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Commentaires
F
Merci Roland de ta visite sur mon modeste blog!! Oui, la campagne c'est agréable mais en ce moment avec la neige, je la préfère en montagne!!! Bisous FAN
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A
La campagne est belle. J'y vis. J'y rencontre, en même temps que les mésanges ou un cerf qui va bondir, là, pour traverser la départementale à quelques mètres de moi dans ma vieille bagnole (si, si! ça m'est arrivé!), j'y rencontre aussi, disais-je, les ragots, la méchanceté, la surveillance des faits et gestes de chacun, la jalousie, un conformisme mesquin.... Alors de temps en temps, je vais à Paris. Je me promène le long des quais de Seine, je vais manger une gaufre dans le jardin du Luxembourg, je vais revoir les Van Gogh au musée d'Orsay parce que ses bleus et ses jaunes me fascinent et que les reproductions n'en donnent qu'une idée lointaine, je me perds le long du canal de l'Ourcq ou bien encore je m'assieds à une terrasse de bistrot et je regarde passer le monde, j'invente des histoires. C'est intéressant, de le regarder, le monde, de son petit coin. C'est bien banal me direz-vous. Certes, mais, anonyme parmi les anonymes, respirant un air vicié, je me sens libre dans mes interminables balades. Et c'est le coeur content qu'au bout de quelques jours, je retrouve les mésanges....
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C
Il est vrai que la solitude des villes peut être également terrible.... Mais, l'isolement à la campagne, même si les voisins sont géniaux, ça me ferait trop peur.<br /> <br /> <br /> <br /> Ils sont courageux, ces jeunes voisins.
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