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Chroniques d'un vieux bougon
21 mars 2013

L'enfer, c'est pas seulement les autres

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       J’ai l’impression, ce matin, que le monde entier s’est ligué contre la quiétude de ma vallée perdue au cœur des Monts. Ballet d’une noria de camion de travaux publics en route pour la ferme d’éoliennes perchée au sommet de la colline. Visite assourdissante d’un hélicoptère de la sécurité civile manifestement venu contrôler les travaux. Allers et retours incohérents de mon voisin Sébastien avec son gros tracteur rouge et sa remorque brinquebalante. Comment voulez-vous écouter paisiblement le "Voyage d’hiver" de Franz Schubert interprété par Fischer-Dieskau exceptionnellement diffusé dans son intégralité par la Radio Nationale ? Jean-Paul Sartre avait bien raison lorsqu’il s’écriait dans sa pièce "Huis clos" : l’enfer, c’est les autres ! Bien qu’il soit  difficile de faire confiance à un homme pour qui l’Union Soviétique, la Chine de Mao et la vie avec Simone de Beauvoir représentaient le paradis ! (Lire à ce sujet le réjouissant n°9 de la "Contre-histoire de la philosophie" de Michel Onfray). En fait, cette idée d’enfer remonterait à la plus haute antiquité, comme l’aurait écrit Alexandre Vialatte. Elle serait née à l’époque où les dieux de l’olympe grecque se distribuèrent les rôles. A Zeus le ciel, à Poséidon la mer, à Aphrodite et Apollon les amours, à Éole les nuages et les vents et à Hadès les profondeurs des enfers, là où les morts attendent le grand jugement. Plus tard, les chrétiens puis les musulmans s’empressèrent de créer leur propre royaume de damnation et d’y loger au milieu des flammes et des diables fourchus les hommes et les femmes qui, au cours de leur existence, avaient trop joyeusement pratiqué les sept péchés capitaux. Le paradis avec les anges, le miel et les rivières de lait pour les bons, les feux de l’enfer pour les autres. Et il était facile de trébucher et de plonger, dès le trépas, dans cet abîme tourmenté ! Aviez-vous forniqué avec la jeune et belle épouse de votre barbon de voisin et  vous étiez maudit pour l’éternité. Aviez-vous chapardé un maigre pilon de poule d’eau à l’étal du rôtisseur pour nourrir votre nombreuse famille recluse dans une masure sise à la lisière de la maladrerie et vous étiez condamné. Pis encore ! Aviez-vous, un vendredi tout ordinaire, mangé un abat de lapin de garenne en lieu et place du triste goujon oublié au fond de l’épuisette du poissonnier ambulant et vous étiez excommunié. Grâce aux Mirabeau, Robespierre et autres Sans-culotte, la Révolution Française mit bon ordre dans ces superstitions. On ne craint plus aujourd’hui les ardeurs infernales pour avoir détourné à son profit le goût de l’épouse de son meilleur ami pour le devoir conjugal. A peine risque-t-on une remontrance pour avoir expédié dans quelque paradis fiscal les copieuses plus-values engendrées par la revente du luxueux hôtel particulier du XVIème arrondissement acquis cinq ans plus tôt avec l’argent secret d’une rétro-commission. Par contre, une nouvelle religion est née sur les cendres de  l’obscurantisme que l’on croyait avoir dispersées avec les lois de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État. Ses grands prêtres lancent désormais leurs anathèmes sur les plateaux de télévision et dans les colonnes des magazines féminins et les châtiments promis sont bien plus effrayants que ceux d’autrefois. Ces derniers n’intervenaient alors qu’après votre dernier souffle. Ils surviennent aujourd’hui de votre vivant. Méditez-vous de déguster, même dans l’intimité de votre boudoir ou dans l’ombre complice du placard à balais, une deuxième profiterole et vous voici châtiée d’un "kilo" en plus. Humez-vous le capiteux fumet d’un cassoulet de Toulouse, abdiquez-vous devant une attrayante choucroute de Strasbourg ou vous laissez-vous aller devant un tentant magret de canard au foie gras du Périgord et la sanction sera décuplée ! Non seulement les affreux kilos superflus viendront s’agglutiner autour de votre culotte de cheval, vous exposant inéluctablement aux soupirs de votre jean préféré mais vous aurez aussi à subir les regards goguenards de vos meilleures amies. En un mot, vous entrerez dans le purgatoire des sujets à charge pondérale supérieure, l’antichambre inéluctable de l’enfer des régimes ! S’ensuivront alors de longues semaines de privations qui vous feront regretter les délices du jeûne de carême. Mais peut-être pourrez-vous, à l’issue de ce douloureux cortège de sacrifices, rejoindre le paradis des maigres ! Sauf, bien sûr, si la mode est alors à l’anorexie. (©Roland Bosquet)

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Commentaires
D
Alors comme ça, toi qui vis aux cimes dans le paradis éolien tu te retrouves un matin en enfer. Provisoirement, dieu merci. Mais voilà, la roche tarpéenne est près du Capitole.<br /> <br /> Amicalement. HenriD.
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