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Chroniques d'un vieux bougon
25 avril 2013

Une enfance à la campagne

campagne

      3 août 1908. Les frères Bouyssonie explorent hardiment la grotte  de la Bouffia Bonneval située dans la vallée de la Sourdoire en Corrèze. Ils y exhument les restes d’un être manifestement hominidé. En dépit ou à cause de son crâne volumineux, il ne présente guère les traits raffinés d’un intellectuel bon teint, fut-il de Gauche. Une enquête est ouverte. Le paléoanthropologue Marcelin Boule ausculte méticuleusement le squelette de l’infortuné qui dormait jusqu’alors bien tranquillement dans sa tombe. Selon lui, l’individu aurait pu voir le jour aux environs d’un premier avril, quarante cinq mille ans avant Jésus Christ. Faute d’état civil fiable pour une époque aussi reculée, (on pense que les fonctionnaires n’existaient pas encore) on le nomme fort arbitrairement Neandertal. Dans les années qui suivent, plusieurs autres découvertes identiques se produisent dans cette belle région du Sud-ouest. On met ainsi à jour le squelette d’un vieillard qui gêne grandement la construction d’une route. L’imagination n’étant pas la première qualité des Ponts et Chaussées de l’époque, on l’appelle simplement du nom du lieu où il a été déterré : "Cro-Magnon". On pourrait multiplier les exemples si la place ne nous manquait pas. On aurait ainsi une longue liste digne d’un tableau de chasse de criminel en série. Nul doute que nos modernes experts  identifieraient à coup sûr le point commun qui relie toutes ces dépouilles : la campagne.  Nos lointains ancêtres vivaient et mouraient de préférence en milieu rural. (On n’a en effet jamais profané de sépulture aussi préhistorique place des Quinconces ou place des Vosges). Et c’est peut-être ce qui explique aujourd’hui l’incoercible sentiment de nostalgie qui s’empare des citadins dès que fleurissent les cerisiers. Le soleil daigne-t-il briller pendant quelques jours au milieu d’un ciel bleu d’azur qu’ils s’entassent fébrilement dans leurs automobiles et s’agglutinent en file indienne sur de longs rubans d’asphalte en direction des vertes prairies qu’ils devinent à l’horizon. Les vieux bougons qui y sont installés à demeure ronchonnent dans leur barbe grise devant cet afflux intempestif. C’est en effet sans vergogne aucune que les envahisseurs se baguenaudent à voix forte  dans le moindre sentier laborieusement creusé par des générations de paysans. Ils s’extasient béatement à la vue des boutons d’or qui hantent les prés et des fleurs de pissenlit qui nargue le jardinier sur les pelouses des courtils les mieux entretenus. Ils tentent par tous les moyens de caresser le nez des vaches qui les observent d’un œil placide en ruminant leur bonne herbe grasse et odorante. Ils chevauchent les clôtures pour tâter la laine des moutons qui n’ont pas encore été tondus. Ils effraient les brebis retardataires qui s’apprêtent à mettre bas. Ils essuient une larme attendrie en entendant l’agneau appeler sa mère à l’heure de la tétée.  Et le soir venu, après avoir frappé leurs bottes l’une contre l’autre pour en ôter la boue ou la poussière, ils regagnent bruyamment  leurs pénates. Sans considération aucune pour la pauvre Déméter dont ils ont troublé la sieste. Il serait certes difficile, pour de multiples raisons que l’on conçoit facilement, de faire vivre ensemble rats des villes et rats des champs. Pourtant, la remarque de Tom Enders(*), l’actuel patron d’EADS,  reste d’actualité : « Mon enfance dans un milieu très rural (son père était berger), m’a apporté le goût du travail, la ténacité, l’ambition et le sens du partage. »Toutes qualités qui ont mené les hommes jusqu’aux portes mêmes de leurs vastes cités. (*Interview à l’hebdomadaire L’express n° 3223 du 10 avril dernier).

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Commentaires
V
Je tire de la lecture de votre article un sentiment de supériorité attaché à la population rurale. Je n'en accepte pour preuve que le fait indiscutable que la ruralité - comme on dit à l'ENA - est plus ancienne que la vie citadine et que celle-ci a besoin de la campagne pour survivre ce qui explique les longues files d'automobiles qui quittent Paris pour se rendre dans leur campagne le temps d'une fin de semaine.<br /> <br /> Dans ce cas, est-il bien raisonable de donner aux citadins le même pouvoir dans les élections qu'aux ruraux ? Pourquoi le bulletin de vote des habitants de la campagne ne vaudrait-il pas trois bulletins de citadins ? Où va-t-on chercher la marque de notre bon sens gaulois ?
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