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Chroniques d'un vieux bougon
15 mai 2013

L'avenir par la carte bancaire.

avenir

     Hier soir, au téléphone, une dame à la voix suave et engageante, évoquant irrésistiblement un physique bien achalandé, tient absolument à m’entretenir de mon avenir. C’est l’heure de la grand-messe informative à la télévision. N’en attendant rien de bon, je cède à l’invite. A sa demande express, je lui confie ma date de naissance. Le risque n’est pas grand qu’elle y change quoi que ce soit. Mais je la préviens honnêtement. L’essentiel de mon existence s’écrivant désormais au passé, mon avenir ne saurait que se réduire furieusement. Elle semble balayer l’objection d’un revers de la main. Tout le monde a un avenir et le vôtre me paraît très séduisant, affirme-t-elle.  Dans ce cas, je vous écoute, dis-je ! J’ai l’impression d’entendre son sourire. Un sourire tendre et maternel propre à vous réchauffer le cœur et vous faire oublier vos médiocres tracas du quotidien. Après un petit temps de pause destiné sans doute à asseoir ma réflexion, elle se lance dans une longue et filandreuse explication. Lorsque, à bout de souffle, elle marque une nouvelle pause, je déduis de son discours qu’elle a besoin du numéro de ma carte bancaire pour pouvoir explorer les multiples et flamboyantes possibilités que me réservent mes lendemains qui chantent. Je n’avais certes pas imaginé si embarrassante situation en répondant par la négative à l’insistante exhortation de mon conseiller financier. Vous n’avez pas de carte bancaire ? Ben, non, à quoi me servirait-elle ? A la campagne, vous savez… !  Vous n’avez sans doute pas de portable non plus. Non plus. A quoi me servirait-il ? A la campagne, vous savez… Elle ne sait pas. Ou ne veut pas savoir. Et je sens bien au raclement de gorge qu’elle ne dissimule plus que je l’ai fort déçue. Vous avez été bien aimable, conclut-elle. Mais je ne peux pas poursuivre notre conversation. N’aurais-je donc plus d’avenir devant moi, lui demandai-je ? Si, bien sûr ! Enfin, sans doute ! Donc, vous pouvez m’en donner au moins les grandes lignes, insistai-je. J’entends distinctement un long soupir agacé traverser les airs. En deux mots, poursuit-elle, les gens de votre signe devraient voir leur quotidien bouleversé au cours de la semaine qui suit. Vous sortirez des sentiers battus et vous surprendrez votre entourage. Au revoir monsieur. Attendez ? Et ma santé ? Mais le téléphone ne transmet plus que des  bip-bip désabusés. Je reprends ma faction devant mon poste de télévision au moment même où l’animateur évoque un tout nouveau film que je n’irai probablement pas voir si j’en crois la bande annonce. J’en profite  pour résumer mon entretien avec la moderne Sibylle. Si j’ai bien tout saisi,  elle me met en garde contre toute extravagance de ma part qui m’inciterait à surprendre mes chèvres naines en allant les visiter par un sentier sortant de l’ordinaire. Je vais donc respecter le bon vieux principe de précaution et tenir grand compte de ses avertissements : je ne vais rien changer à mes habitudes. A chacun sa normalitude, non ?

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L'avenir est la minute suivante !
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