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Chroniques d'un vieux bougon
5 juin 2013

La course du lièvre

lievre

      Ésope et monsieur de La Fontaine après lui n’auraient au grand jamais scellé une de leurs fables sans ajouter quelque morale sertie dans le bon sens. "Les éoliennes ne brassent jamais que du vent",  "Travaillez, prenez de la peine, c’est le fond qui manque le moins ", "Rien ne sert de courir, il faut partir à point ". Mais qui suit encore les préceptes d’Ésope ou de monsieur de La Fontaine ? Notre époque s’enorgueillit au contraire de courir à la vitesse de la lumière. La nouvelle du matin est au fond des tiroirs lorsque celle du soir s’invite sur les plateaux. Qui voudrait encore,  la nuit tombée, y porter réflexion serait fort dépité. Chassée par la suivante, elle a déjà disparu dans les oubliettes du temps. L’homme moderne est pris de tournis. Et dans ce maelstrom, il a non seulement perdu en chemin le sens de son propre pas mais il ne saura bientôt plus penser. Car, comme l’a si bien expérimenté Jean-Christophe Ruffin lors de son "Immortelle randonnée" vers Saint Jacques de Compostelle, le marcheur pense d’abord à ses pieds.  Nos anciens avaient autrefois coutume de recommander à l’homme ordinaire de penser à ce qu’il a fait et d’en compter les leçons. De penser à ce qu’il prévoit de faire et de les appliquer. Et de  penser même, parfois, à ce qu’il devrait faire ! Mais hélas, la tâche est souvent trop ardue pour qui poursuit le futur. Le train des jours n’attend plus le paisible voyageur qui  reste en bout de quai et c’en est bien dommage. Il aurait pu ouvrir un livre le temps de son voyage. Nombre d’ouvrages s’adressent en effet à la gente pressée. J’ai pensé pour vous, écrit l’auteur en filigrane de la quatrième de couverture. L’homme impatient arpente le compartiment à grands pas et s’installe contre la vitre. Mais il ne regarde pas le paysage qui défile à grande vitesse. Il ne voit pas non plus avec quelle dextérité la vieille dame assise en face de lui agite tranquillement les aiguilles de son tricot. Il s’enfonce sans attendre dans la lecture du guide complet du bon docteur Chevallier qui propose d’en finir avec les poisons qui nous environnent. Aliments, cosmétiques, maison, il passe tout en revue et il envie bientôt l’homme de Cro-Magnon qui, dans sa grande sagesse, préférait ses grottes périgourdines aux pavillons de banlieue. A moins qu’il ne se plonge dans le dernier  opus du Dr Saldmann en personne. Celui-ci y distille avec une pertinence estampillée scientifique de jolis conseils pour vivre mieux. Votre corps recèle d’immenses ressources. Votre esprit détient d’extraordinaires capacités. Activez vos pouvoirs et vous guérirez des mille maux qui vous pourrissent la vie. Ainsi, jeûnez et maigrissez ; c’est le meilleur moyen d’éviter les régimes. Lavez-vous les mains régulièrement, elles seront propres plus souvent. Couchez-vous sur le côté gauche et vous dormirez comme un bébé. Le sourire est le meilleur allié d’une sexualité défaillante. En un mot, profitez pleinement de l’existence. Ce ne sont plus seulement des recettes de cuisine. Ce sont des concepts même de philosophie. Le bonheur, enfin, pour 18 euros, tva comprise. Et la course du lièvre à travers les champs retrouve alors tout son sens.

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