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Chroniques d'un vieux bougon
7 juin 2013

Ombres fantomatiques

fantomes

     Visite aux chèvres naines qui réclament leur croûton de pain dur. Le soleil joue dans les branches des acacias et dessine sur l’herbe de l’enclos de longues ombres fantomatiques. Je ne m’en étonne pas. L’expérience m’a appris que les ombres sont toujours fantomatiques. Ainsi, si vous vous promenez dans les bois à l’heure où le rossignol se pose sur la plus haute branche du chêne pour chanter la sérénade à sa belle indifférente, vous constaterez que vous êtes environné d’ombres ressemblant furieusement à des fantômes. En réalité, les fantômes ne s’exposent que très rarement à la vue des simples mortels.  Si rarement d’ailleurs que d’aucuns affirment même qu’ils n’existeraient pas. Aussi, si cassé en deux au-dessus de votre platebande de radis roses pour en sarcler paisiblement les mauvaises herbes, un fantôme apparaît soudain devant vous, réfléchissez avant d’en croire vos yeux ébahis. Souvenez-vous d’abord que vous avez peut-être accompagné votre part de camembert d’un vin de Bordeaux trop bien doté ou conclu votre mélange de Malabar moussonné et de Kwilu du Congo d’un généreux calvados de derrière les fagots. Toutefois, en dépit de la rareté de leurs manifestations et l’imagination aidant, il vous est possible de dresser des fantômes des portraits tout à fait ressemblants. Il suffit pour cela de faire appel à votre mémoire et de vous ressouvenir de votre dernière visite à la Grande Médi@thèque de la  Ville. On y reconnaît facilement le campagnard au fait qu’il parle fort comme s’il s’adressait aux merles qui pillent ses cerisiers. Hélas, l’homme de la campagne est d’un naturel taiseux et on ne l’entend guère en dehors de son territoire de prédilection. On peut cependant le démasquer au fait qu’il marche lentement comme s’il voulait éviter les taupinières qui tapissent la pelouse de son courtil. Lorsque, donc, vous l’avez clairement identifié baguenaudant le nez en l’air devant les rayonnages attribués aux ouvrages régionalistes où il espère retrouver des récits ayant trait à ses ancêtres,  vous savez de source sûre et par simple déduction que les ombres qui gravitent autour de lui sont des fantômes. Toutefois, il arrive que l’homme de la campagne baguenaude également sur les trottoirs ou, notamment, dans les parcs municipaux. Mais c’est plus par simple nostalgie que pour guetter les gouvernantes qui houspillent les jeunes enfants indociles. Quoi qu’il en soit, vous pourrez, là encore, le circonvenir facilement au fait qu’il porte de grossières braies de velours côtelé et de solides brodequins de cuir noir remontant à la dernière guerre. Certes, il se peut que des citadins se vêtissent eux aussi de velours. Mais il s’agit alors d’un distingué velours râpé ; leurs chaussures sont des Clarke et leurs manteaux des duffle-coats. On dit alors que ce sont des citadins ayant hérité d’une chaumière à la campagne pour les vacances scolaires et les fêtes de la Noël devant la cheminée. Donc, lorsque vous avez fait la part des choses et mis de côté les hommes de la campagne, vous avez tout loisir d’observer les ombres qui les entourent. Et c’est là que vous constatez, tout comme moi, qu’elles sont aussi inoffensives que des fantômes qui n’existent pas. Il n’y a donc aucune raison de les craindre. Tout comme les ombres qui vagabondent le soir au fond des bois. D’autant plus qu’il est très rare que des citadins errent le soir au fond des bois. Hormis, bien entendu, ceux qui y retournent par nostalgie de l’époque où les villes étaient encore établies au milieu des champs !

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