Taux et pourcentages

         L’adjudant B. bougonne une dernière recommandation à son jeune sergent.La situation lemet mal à l’aise et il n’aime pas être mal à l’aise. Mais le car apparaît enfin, noyé dans le flot de la circulation. Il glisse lentement le long du trottoir et s’arrête dans un soupir. La porte s’ouvre et une jeune femme saute d’un pied léger sur le bitume. Manifestement une professeure de l’Education Nationale. L’adjudant avance vers elle. Une jeune fille se présente alors à ses côtés. C’est elle ? La jeune femme répond par l’affirmative. L’adjudant B. ne sait trop quelle attitude adopter. Il a lui-même une fille de l’âge que celle qu’il vient chercher et se sait fort maladroit à son encontre. C’est son subordonné qui prend l’initiative de les entraîner jusqu’à la voiture. Ils gagnent ensuite l’aéroport. Sur le chemin du retour, l’adjudant B. laisse enfin échapper un long soupir de soulagement. Elle a bien pleuré un peu mais il n’y eut ni cris ni échauffourées. Le capitaine devrait être satisfait ! Pourtant, quelques heures plus tard, des voix, se situant à gauche dans l’échiquier politique, ne tardent pas à exprimer leur émotion face à la violence avec laquelle les forces de police de la République auraient appliqué la loi en interpellant cette jeune mineure en situation administrative irrégulière sur le sol de notre beau pays. La loi est et demeure certes la loi, s’épanchent-ils à satiété dans les journaux, les radios et les télévisions. Mais nos valeurs de gauche exigent qu’elle soit appliquée avec humanité. Qui pourrait s’inscrire en faux face à ces belles affirmations ? L’humain est certainement la qualité la plus partagée par les homos-sapiens qui peuplent aujourd’hui la Terre. Dans le but d’approfondir leur propre réflexion et afin d’apporter de réels arguments scientifiques au débat, les médias lâchent alors la bride à la meute des sondeurs. Ceux-ci se jettent avec gourmandise sur leurs échantillons représentatifs. Que pensez-vous… ? Les ordinateurs équipés des logiciels les plus performants crachent bientôt leur diagnostic. 75% des Français soutiennent le chef de la police ! Les chiffres ne sont que des chiffres et ne reflètent jamais qu’une situation à un instant T, comme "ils" disent. De nombreuses interrogations en découlent cependant. Ils apportent en effet un éclairage particulièrement piquant sur l’état d’esprit qui baigne actuellement notre société.  A la lecture des courbes et autres fromages publiés ici ou là, peut-on affirmer que les trois quarts des Français sont des adeptes de la violence ? Les valeurs dites "de gauche" ne concerneraient-elles plus que les 25% restants ? Ces derniers auraient-ils l’âme plus sensible que la majorité de la population ou est-ce le résultat d’une longue et profonde réflexion politique ? Seraient-ils les derniers irréductibles qui apportent encore leur indéfectible soutien au Président ? Ce dernier se garde le plus longtemps possible de descendre dans l’arène. Mais il est contraint d’intervenir dans le débat, puisque, de nos jours, tout découle de lui. Désormais, le périmètre de l’école sera sanctuarisé dans son sens le plus large. Les forces de police ne sauraient plus y intervenir. Le ministre de l’Education n’est pas mécontent. Les parents d’élèves ne font pas de commentaires. Les coordinations lycéennes en grève ne sont pas satisfaites. Le ministre de l’Intérieur  n’est pas désavoué. Et les Fronts engrangent des disciples. Par contre, lorsque la loi devra être appliquée, car force reste bien entendu à la loi, elle le sera donc dans la discrétion et loin des regards. Et tant pis si ces pratiques nous ramènent à ces heures noires qui virent les sbires de l’Etat frapper aux portes aux premières lueurs du jour et emporter des familles entières vers les destinations  que l’on sait. Mais honni soit qui mal y pense et le monde continuera de tourner en paix.

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Comments

[Henri]

Je ne sais s'il y eut violence physique mais violence morale certes. C'est quoi ce bidule : séjour illégal ? Et l'intégration quand les gens ne vivent pas aux crochets de la société ? Je me pose sans cesse la question dans des exemples concrets.

[vu du donon]

Cette affaire me rappelle tristement la pratique courante en Lybie ou en Irak où certains dictateurs sanguinaires avaient un fort penchant pour ce que les stratèges nomment les "boucliers humains". En d'autres termes, des combattants irréductibles alignent entre eux et les attaquants une haie de civils, adultes et enfants, comptant sur nos valeurs humaines pour empêcher les méchants attaquants d'ouvrir le feu sur les pauvres combattants le plus souvent partisans d'Allah.

Aujourd'hui, c'est un père kosovar qui prend en otage ses enfants et sa femme nés en Italie pour obtenir, tous ensemble, un droit d'asile qu'ils ne pouvaient avoir s'ils avaient dit la vérité. Il leur suffirait de détruire leurs papiers d'identité italiens.

Et nous, de l'Union européenne, nous pleurons à chaudes larmes en ne comprenant pas nos policiers inhumains. Quelle mascarade !