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Chroniques d'un vieux bougon
16 décembre 2013

J'ai fait un rêve

un_reve

        J’ai fait un rêve, moi aussi. Un rêve de jardinier, bien sûr. Du moins au début. Le soleil brille toute l’année. Dix heures par jour. La pluie a le bon goût de ne tomber que la nuit, pour ne pas gêner. Elle tombe d’ailleurs juste ce qu’il faut pour arroser les choux, les tomates et les haricots, alimenter les sources en eau claire et pure et les montagnes en neige. Les mauvaises herbes se contentent de pousser là où on ne les voit pas. La bonne, verte et drue, nourrit sainement le nombreux bétail des paysans.  Le lait est goûtu, les camemberts odorants et la viande tendre. Le vin, charpenté et léger à la fois mais toujours gouleyant, exprime de puissants arômes de terroir. L’alcool fait encore tourner un peu les têtes mais pas au point de provoquer des accidents de la route. Devenus inutiles puisque les conducteurs respectent scrupuleusement les limitations de vitesse, les radars sont démontés. Les gendarmes motocyclistes qui s’ennuient sont à présent affectés dans les crèches et les écoles maternelles rurales. Dans les villes et les grandes agglomérations, les transports en commun ont presque remplacé les voitures. L’air y est redevenu respirable et les enfants fréquentent de nouveau les parcs publics. Faute de guerres aux quatre coins du monde, les militaires y sont d’ailleurs reconvertis en jardiniers. Avec une ardente efficacité, ils entretiennent les pelouses, les parterres de fleurs qui n’ont jamais été aussi multicolores et les allées qu’ils balaient régulièrement de leurs feuilles mortes. De temps à autre, ils croisent encore un sans-domicile-fixe qui n’a pas été informé que des établissements ont été ouverts à son intention. Des infirmières et des pédicures veilleront sur sa santé. Des repas lui seront servis deux fois par jour en plus du petit-déjeuner par des repris de justice en phase de réintégration. Outre des douches chauffées, il disposera également de vestiaires fournis en vêtements propres et chauds pour l’hiver et rafraîchissants pour l’été. S’il désire sortir, les représentants des familles les plus riches du pays lui attribueront un pécule sur leur cassette personnelle afin qu’il puisse aller au théâtre et au concert. Comme tout le monde. Mais il pourra aussi bien déambuler benoîtement sur les trottoirs des grandes avenues et admirer les chalets des marchés de noël au même titre que les touristes chinois, corses ou patagons. Il y rencontrera peut-être de nouveaux immigrés reconnaissables à leur peau tannée par le soleil du désert. Encadrés par les anciens passeurs recyclés  en assistantes sociales, ces derniers se réunissent d’ailleurs plutôt devant les agences de travail. Nul doute, en effet, qu’ils trouveront un emploi selon leurs capacités. On a ainsi vu une jeune Peul élue Miss de l’année, un éphèbe grec défiler sur les podiums des grandes maisons de couture ou d’anciens bergers des Aurès servir avec la plus grande dignité dans les restaurants situés à proximité des studios de télévision. Une vaste polémique y agite en ce moment les plateaux. Certains hommes politiques tout à fait rétrogrades veulent que les ouvriers des arsenaux militaires soient mis à la retraite d’office puisque, faute de conflits, leurs ateliers sont fermés. D’autres, plus pragmatiques, proposent qu’ils s’orientent plutôt vers les métiers du bâtiment. Le manque de logements décents est en effet de plus en plus criant. Tous les appartements n’ont pas encore une salle de bain par occupant et une terrasse pour boire l’apéritif. Devant l’urgence de la situation, le gouvernement a annoncé la création prochaine d’une commission d’experts indépendants qui émettra un rapport dans le courant de l’année qui suit. Les chats pourront alors vivre en paix sans être obligés de miauler derrière la porte de la chambre de leur maître pour obtenir enfin leur pâtée. C’est d’ailleurs ce qui me réveille. Pour constater que le monde n’a pas changé et qu’il tourne toujours autant de guingois.

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Commentaires
M
C'est un beau rève. Malheureusement la réalité est tout autre.
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