Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Chroniques d'un vieux bougon
17 février 2014

Epanouissement personnel

epanouissement

      Les guides d’éveil spirituel, d’épanouissement personnel ou de réussite sociale font florès dans les rayonnages des librairies comme des supermarchés. Le leitmotiv de nombre d’entre eux est simple : pour vivre heureux, il faut vivre dans l’instant présent. Foin du passé qui n’est plus. Foin de l’avenir qui n’est pas encore. Toute votre énergie doit être concentrée sur le présent. Avez-vous faim ? Rejetez sans hésiter ces images de cassoulet fumant et odorant qui accaparent vos idées et vous empêchent de jouir de la douleur qui tord votre estomac. Avez-vous soif ? Effacez ces souvenirs de saveurs gouleyantes de bordeaux charnus et légers à la fois qui ont, hier, si bien titillé vos papilles. Goûtez les charmes inégalables d’une bouche asséchée et d’un gosier déshydraté. Avez-vous sommeil ? Ne vous laissez pas aller à fermer les yeux au risque de vous abandonner à des rêves fallacieux. Ce documentaire insipide sur la reproduction des cistudes d’Europe diffusé à la télévision est une belle occasion pour vous de vous cultiver. Ne ressentez-vous pas déjà un ineffable sentiment de plénitude intellectuelle vous envahir ? Vous croyiez jusqu’ici fort naïvement que le présent n’est jamais que le futur d’hier et le passé de demain. Vous gâchiez en réalité vos capacités de plaisir. Resserré sur vous-même, vous éviteriez les regrets qui n’apportent qu’aigreurs et nostalgies. Ramassé sur l’instant, vous échapperiez aux promesses trompeuses et aux illusions des lendemains qui chantent.  Confiné sur votre jouissance immédiate vous dégusteriez sans limite la totalité de votre être. Vous toucheriez presque au bonheur. Achetez dès maintenant le livre qui traite de la meilleure manière de faire perdurer cet état de béatitude et vous atteindrez le nirvana. Qui sait ? Peut-être même serez-vous aussi heureux que le mulot qui quitte son terrier blotti entre les racines de ce chêne centenaire et part à la chasse à la nuit tombée. Se pose-t-il des questions sur l’âge de l’univers et sa pérennité ? S‘interroge-t-il sur les divergences philosophiques entre Saint Thomas d’Aquin et Saint Jean Chrysostome au sujet du sexe des anges ? Que nenni ! Il renifle l’air ambiant, tente d’en saisir le moindre frisson, guette ce minuscule frémissement du sol qui trahit la présence d’un vermisseau. En un mot, il vit pleinement dans son instant présent. Il est, hélas, très difficile d’imiter le mulot. J’ai essayé avec le papillon et la mouche drosophile. En vain. Il y avait toujours un moineau dans les parages qui s’y exerçait lui aussi. J’ai alors tenté l’expérience avec le gnou mais au premier marigot rencontré un crocodile profitait de la situation pour améliorer son présent. En réalité, mon cerveau gesticule sans arrêt dans toutes les directions. La simple rédaction d’une chronique sans queue ni tête le met en ébullition. Il estime, il subodore, il imagine, il suspecte, il pressent, il rature et les jours de paresse, et ils sont nombreux, il s’abîme avec nonchalance dans les brumes d’une mémoire insidieuse. Je vois bien que je n’accéderai jamais à la félicité de cette façon. Mais puisse le monde, malgré tout, n’en pas tourner plus de travers encore !

Suivre les chroniques du vieux bougon en s’abonnant à newsletter

Publicité
Publicité
Commentaires
Chroniques d'un vieux bougon
Publicité
Chroniques d'un vieux bougon
Albums Photos
Newsletter
Derniers commentaires
Archives
Publicité