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Chroniques d'un vieux bougon
18 février 2014

Du quotidien à l'universel

quotidien_universel

     L’un des premiers soucis d’un auteur de chroniques est de traiter autant que possible de l’universel. En effet, le quotidien a tendance à imposer sa dictature. Ainsi le mercure du thermomètre accroché au tronc du gros sapin au fond du courtil indiquera aujourd’hui une température extérieure plus ou moins élevée que celle d’hier et sûrement différente de celle de demain. Le réflexe serait de l’inscrire sans attendre dans le registre adéquat destiné à l’édification des générations futures. Quel intérêt celles-ci trouveront-elles à la chose ? Probablement aucun. Oublions donc les relevés exhaustifs des températures extérieures. Les notions très vagues de beau temps ou de mauvais temps retiendront-elles plus leur attention ? En réalité, après avoir reniflé l’air du temps afin de choisir entre le manteau d’astracan ou la gabardine de flanelle, c’est sans le moindre regard sur l’état du ciel indiqué dans la chronique du vieux bougon, qu’ils se hâteront de rejoindre leur bureau au ministère de l’Enregistrement de la Production Redressée. Vous estimez qu’un évènement de première importance s’est déroulé dans votre village en fin de matinée. Ferdinand s’en vient benoîtement sur sa bicyclette jusqu’à la boulangerie qui fait l’angle de la rue Édouard Manet et de la rue Pablo Picasso. Ferdinand est âgé. Disons même, plutôt âgé. Les années et les rhumatismes ne l’aident donc pas à rouler bien droit. Tous les conducteurs du bourg comme des hameaux avoisinants le savent et en tiennent compte pour aménager leur propre conduite. Hélas, ce matin là, à la suite d’une mauvaise nuit passée à gémir sur sa couche à cause d’une sciatique particulièrement hargneuse, le facteur titulaire de la tournée a gardé la chambre. Son remplaçant, monté spécialement de la ville, ignore tout des singularités de Ferdinand. Le choc est inévitable. La bicyclette vole jusqu’à près de trois mètres de distance et son propriétaire chute lourdement dans le caniveau.  Il va se relever lorsque Jean-Jean engage sa bétaillère sur la place de l’Église. Il doit se rendre à la mairie pour retirer un extrait de naissance afin de compléter une énième demande de subvention à la Chambre d’Agriculture. Grâce à Dieu et au rappel de son fils, Jean-Jean avait fait resserrer les freins de son engin quelques semaines plus tôt. Le pire est donc évité. Mais les vieux os de Ferdinand ne résistent pas tous à la collision avec le pare-choc. On téléphone au médecin pour établir un premier état des lieux, aux pompiers pour transporter le blessé jusqu’aux services des urgences de l’hôpital de la ville, à son fils qui vit au fin fond du Texas ou du Wyoming et aux gendarmes du district pour établir procès-verbal. La vie du bourg est ainsi bousculée jusqu’à une heure avancée de l’après-midi. Des parents d’élèves parlent encore du terrible accident à l’heure de la sortie des classes. Alertée, la présidente de l’association et tête de la liste d’opposition aux prochaines élections municipales, clame d’ailleurs haut et fort son indignation. Nos enfants sont en danger ! Le maire, qui devait rencontrer le député de la circonscription pour finaliser un dossier de financement de travaux de voierie dans un hameau éloigné, est contraint de s’excuser. Vous avez bien fait de m’avertir, lui répond cependant l’élu de la nation. J’interpellerai monsieur le Ministre de l’Intérieur dès demain à la Chambre. On voit combien il s’agit là d’un fait d’importance nationale sinon même internationale si on tient compte des répercutions possibles sinon probables auprès de la Commission Européenne. Un bon chroniqueur se doit donc de le rapporter. Pourra-t-il captiver pour autant l’attention  d’éventuels lecteurs du futur ? La circonspection est de rigueur. Comment dans ce cas atteindre à l’universel sans négliger pour autant l’authentique du quotidien ? Comment aider le monde à tourner un peu moins de guingois ? La tâche est à la fois délicate et considérable.

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