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Chroniques d'un vieux bougon
24 février 2014

L'intermittance du jardinage

intermittence

        Quand il entend le mot culture, le vieux bougon de la campagne sort sa bêche et son râteau. C’est pavlovien. Il regarde le ciel et remercie la lune de lui interdire la tonte de la pelouse qui n’a guère poussé depuis deux mois. Il suit ses recommandations en matière de non  élagage des haies et remise son sécateur à l’écurie. Et, ne possédant pas de voile d’hivernage, s’estime exonéré de tout semis d’épinards, qu’ils soient précoces ou non. Par contre, il usera de son  droit à récolter le dernier chou de son potager et cueillera une pleine panière de mâche pour accompagner, ce soir, le camembert de Normandie et son verre de cidre bouché du Pays d’Auge. En un mot, la culture peut se révéler intermittente pour le jardinier de la campagne comme pour le comédien de la ville ! À ceci près que l’on parle pour ce dernier de la Culture avec un grand C. Celle que l’on fréquentait au temps jadis des "humanités", entre le grec et le latin. Quand Xénophon croisait Virgile, que la geste de Roland inspirait François Villon, que Bossuet interpellait Châteaubriand, que Victor Hugo séduisait madame Bovary et que Molière jouait "Les Amants magnifiques" sur la Grande Scène de la rue du Cirque.  Certains ronchonneurs prétendent  que des pans entiers de cette antique culture qui faisait l’honnête homme de jadis se seraient évanouis dans les limbes de la modernité. Ils ont tort. Les livres demeurent dans les bibliothèques au même titre que les toiles de maîtres dans les musées et les partitions dans les caves des conservatoires. Seules la lune avec ses phases capricieuses et les raisons de la phynance contraignent à l’intermittence la pratique du potager et celle des arts vivants. Rien n’empêche par contre un jardinier en pause de jardinage de fréquenter les salles de concerts et les théâtres. En effet, contrairement aux vendeurs de magasins de bricolages astreints à rester chez eux le dimanche ou à visiter leurs vieux parents scrofuleux dans leur maison de retraite, l’intermittent du spectacle est autorisé, ce jour là, à marquer une pause dans son intermittence et à pratiquer son art. Il y est même chaudement invité par son propriétaire-bailleur qui attend son terme avec impatience, son banquier qui voit se creuser au fond de son compte une vallée de larmes et la mère de ses enfants qui guette le facteur et le chèque de pension alimentaire. Mais c’est là une autre affaire où l’intermittence n’a pas grand-chose à voir. Bien que… Quoi qu’il en soit, de Michel Onfray à Philippe Candeloro, tous les philosophes s’accordent à dire que la culture est indispensable à l’élévation de l’esprit et peut-être même à celle de l’âme. Que l’on soit mélomane ou comédien. Que l’on soit jardinier ou béotien. Il importe donc que les uns gardent la possibilité de vivre de leur art et les autres de les admirer. Le coût n’est jamais négligeable pour n’importe quelle République Culturelle mais il sera toujours inférieur à sa valeur ajoutée. Les comptables si prompts à sortir leur calculette devraient facilement comprendre ce langage. C’est pourquoi la phrase du chef d’orchestre Gustavo Dudamel restera encore longtemps d’actualité : « Face au pragmatisme du monde, le droit à la beauté et à l’art doivent être reconnus au même titre que les autres droits de l’homme. » (Diapason n°620 janvier 2014) À charge pour le monde d’honorer ses devoirs qu’il veut tourner un jour un peu moins de guingois. 

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