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Chroniques d'un vieux bougon
7 avril 2014

10199

Chariklo

        Il arrive régulièrement que tel ou tel membre de la famille des Centaures quitte la fameuse ceinture de Gérard Kuiper pour s’en aller se baguenauder dans l’espace tel un touriste chinois sur les Champs-Élysées. Ils s’aventurent généralement  entre leurs grandes cousines Saturne et Uranus comme si, tel l’âne de Buridan, ils ne parvenaient pas à choisir laquelle des deux visiter la première. Les astronomes sont habitués à ces errances et n’y voient jamais qu’une belle occasion d’étudier le ciel d’un œil plus curieux encore que d’habitude. C’est ainsi que le 20 mars dernier, ils purent contempler dans le ciel étasunien le passage de l’un d’entre eux affublé du doux nom de la fille d’Icarios et maîtresse de Dionysos, Érigone. Ce brave astéroïde tout empreint de normalitude avec ses 73 km de diamètre n’avait rien demandé à personne. Par maladresse peut-être ou simple inadvertance, il occulta pendant quelques minutes l’étoile la plus brillante de la constellation du lion, Regulus. Ce crime de lèse-majesté lui valut d’être complaisamment photographié lors de son transit sidéral. Les clichés agrémentés de commentaires ne tardèrent pas à se retrouver sur le Net comme de vulgaires photos de starlette volées par des paparazzis indélicats, brisant ainsi un anonymat qui lui allait si bien. Semblable mésaventure arriva au cours du mois de juin de l’an passé à l’astéroïde 10199, plus connu depuis sous le nom de Chariklo. Avec ses 250km de longueur, il ne pouvait certes passer inaperçu ; mais voyageant à la distance respectable de 2 milliards de km des observatoires terriens, il espérait sans doute ne pas être importuné. Las ! Il commit l’erreur de passer à proximité de l’étoile UCAC2486108672 ! Avertis par une fuite en provenance des milieux bien informés, les astronomes de la région du nord du Chili se mobilisèrent. Pas moins de 7 télescopes, dont le danois et le belge Trappist installés à l’observatoire de La Silla, braquèrent sur lui leurs objectifs. On admira ainsi ses formes généreuses, on vérifia sa taille qui n’avait guère changé depuis 1977, l’année de sa découverte, et on tenta de déterminer sa composition chimique. Intrusions inconvenantes s’il en est mais si communes hélas dans le monde de la recherche scientifique ! Puis le temps fit son œuvre et aurait jeté l’oubli sur le forfait si le brésilien Felipe Braga-Ribas et son équipe ne s’étaient, par désœuvrement sans doute, penchés sur les innombrables informations collectées par leurs collègues du Chili. Une surprise les attendait. Ils constatèrent en effet des variations de luminosité chez notre ami Chariklo.  Un certain désordre sinon un désordre certain règnerait donc  autour de lui. Ils refont leurs calculs tout en maugréant contre la femme de ménage qui n’aurait pas passé le chiffon avec le professionnalisme qu’on attend d’elle, ce qui les oblige à faire des heures supplémentaires alors que la plage d’Ipanema Beach les attend. À l’issue d’une énième séance de travail, ils doivent se rendre à l’évidence : Chariklo bénéficie bien d’une particularité jamais constatée à ce jour. Et notre savant de "poster" le 26 mars dernier sur l’édition en ligne de la revue Nature un article enflammé : comme Saturne, Chariklo 10199 possède deux anneaux, Oyapoc et Chuy ! On n’a jamais vu cela ! On s’extasie, on se téléphone, on se congratule. Les astronomes français montrent, quant à eux, un bien moindre d’enthousiasme. Depuis le mariage pour tous, ils ne trouvent pas du tout extraordinaire en effet qu’un astéroïde possède un anneau. Certes, le second dénonce une bigamie de mauvais aloi ! Mais bon, il faut ce qu’il faut ! On voit par là que le monde est décidément trop complexe pour tourner droit.

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