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Chroniques d'un vieux bougon
8 avril 2014

Pour ou contre

pour_ou_contre

        Dans un véritable saut quantique vers une conscience collective, l’assemblée, nombreuse et studieuse à la fois, a consenti à écouter sagement les orateurs. La main innocente de la petite-fille de la boulangère avait d’abord désigné qui des adversaires ou des adeptes du projet parleraient en premier. Il fallait au moins respecter les formes de la démocratie. Les traces des âpres discussions qui avaient émaillé les semaines passées ne s’étaient pas évanouies par quelque enchantement. Tout traversé de courants contradictoires et rétif comme un jeune poulain qui découvre les grands espaces pour la première fois, le conseil municipal ruait facilement dans les brancards. Les anciens conseillers souriaient avec dédain aux escarmouches des nouveaux. Inscrits pour la plupart sur la liste d’opposition, ces derniers ne manquaient pas une occasion de montrer leur dissidence. C’est pourquoi, fort de sa qualité d’ancien maire fraîchement réélu, le premier édile  avait décidé d’asseoir sans attendre son autorité. De la voix assurée d’un président de séance, il rappela d’abord aux passagers du fond de la salle qu’il n’était plus l’heure d’évoquer les prochaines vacances chez les cousins d’Auvergne, de s’enquérir de la couleur des yeux du nouveau né du hameau du Camp Ferré ou de s’inquiéter de la santé du père Henri, de la Betoulle, après son opération de la prostate. Puis, lorsque le calme fut revenu, il présenta son voisin. Le rappel n’était pas indispensable. Chacun le connaissait de longue date. Encore jeune et entreprenant, il avait scientifiquement ausculté les sols, mesuré les paramètres et calculé les angles de tous alentours. On disait même qu’il aurait fait souche dans un village proche. Quoi qu’il en soit, il représentait pour l’heur le directeur de la société de gestion des éoliennes qui arborent fièrement leur modernité au sommet des collines qui surplombent le bourg. Mais non seulement il convient de toujours respecter les procédures si l’on veut éviter qu’un "mauvais coucheur" n’utilise le prétexte pour en appeler à la justice mais le procédé offrait une habile transition vers l’objet de la réunion : la clôture de l’enquête d’intérêt publique au sujet de l’implantation de sept éoliennes supplémentaires. Maints débats avaient déjà opposé les sympathisants et leurs contradicteurs. (Chronique du 14 janvier 2014) Mais l’arrivée des élections avait renvoyé les décisions aux calendes. Les opposants avaient d’ailleurs changé entre temps. Faute de résultats probants à l’issue des scrutins, nombre de ces derniers n’avaient pas eu le cœur de gâcher leur soirée avec le reste de la population. C’est ainsi qu’après l’exposé du professionnel et les attendus des uns et des autres, il fut procédé à un vote à main levée. Il désigna le camp des partisans vainqueur. La séance fut alors officiellement close par un administratif coup de tampon sur le document du préfet. Puis l’assistance fut aimablement invitée à boire une lichée de vin mousseux encore tiède en l’honneur de l’évènement et à entendre, une fois de plus, les remerciements les plus chaleureux du nouveau maire ainsi que ses promesses indéfectibles de poursuivre l’œuvre commencée lors de son précédent mandat. Alors que je complimentais "l’ingénieur du vent" comme chacun l’appelle couramment dans les conversations, l’homme des éoliennes se félicita à son tour de sa victoire : « Pensez ! Depuis onze ans que les procédures ont commencé… ! » On voit par là qu’à la campagne, l’urgence n’est  jamais un moteur suffisant pour inciter un fonctionnaire à se hâter. Et c’est ainsi que le monde continue lentement de tourner de guingois.

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