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Chroniques d'un vieux bougon
8 mai 2014

Bretons, Basques, Normands ou Auvergnats.

bretons_basques

          Stimulé par les sollicitations les plus diverses, le citadin tourne à grande vitesse. Le moindre obstacle propre à ralentir sa course infinie deviendrait insurmontable pour l’être humain le plus ordinaire. Il marmonne en permanence dans son smartphone, bougonne en descendant les marches de la station de métro et ronchonne dans sa barbe en sautant dans l’autobus. Il n’en continue pas moins de galoper en tous sens. Les petits incidents qui émaillent son quotidien tels qu’une grève sur la ligne B du RER, un taxi pour Roissy qui n’arrive pas ou une livraison de pizza hawaïenne en lieu et place d’une orientale, sont en effet pour lui un carburant indispensable à sa normalitude. Il s’ennuierait à mourir sans ces modestes ingrédients qui sont à sa vie ce qu’est le piment d’Espelette à la poêlée de calamars. D’ailleurs, le citadin s’amuse également du moindre brimborion. La vieille dame promenant son chien qui trébuche et glisse sur le trottoir, le dernier film comique avec Franck Dubosc ou l’engueulade du patron du bistrot "Chez Marcel" par sa mégère d’épouse. Mais l’un de ses divertissements favoris demeure encore le campagnard fraîchement débarqué de sa province. S’il a abandonné depuis longtemps les galoches de châtaignier et les pantalons de velours côtelé râpés aux genoux, on le reconnaît malgré tout très facilement. Il marche lentement et parle fort, ausculte d’un œil méfiant les panneaux dits informatifs du métropolitain, marchande avec le chauffeur de taxi obèse le prix du trajet jusqu'à la rue Sébastien-Bottin ou salue le planton du ministère de la culture sous le prétexte que c’est un pays. C’est que si la terre lourde et grasse de ses champs ne colle plus à ses talons, le campagnard emporte toujours avec lui son terroir enfoui jusqu’au plus profond de son cœur. Ainsi, mille appréhensions agitent depuis plusieurs semaines le citadin de Lyon, Lille, Marseille ou même Bordeaux et Rennes. Il paraîtrait qu’on veut jeter nos belles provinces à la trappe de la modernité et leur donner des noms venus d’ailleurs sous le prétexte de leur donner la taille d’un état américain. Les citadins Bretons se rassurent en se disant qu’ils resteront Bretons jusqu’au bout du dernier chef-lieu de canton. Les intrépides Normands de Caen savent bien, grâce à Guillaume le Conquérant, qu’ils sont bien plus Normands que les lointains descendants rouennais de Rollon. Les Picards cependant s’interrogent. Qu’en sera-t-il de leurs champs de betteraves s’ils sont rattachés aux mines du Pas de Calais ? L’Alsacien sourit, fier de sa proximité avec le Rhin et la Ruhr. Le Basque se prépare à entrer en dissidence si on veut l’accoquiner avec Marseille et le Montpelliérain lorgne vers la Catalogne qu’il envie. Le campagnard, quant à lui, observe cette effervescence avec détachement. Qu’on amarre sa vallée à l’Auvergne, qu’on la noie dans la Brenne, qu’on l’encorde au Poitou ou qu’on l’accouple au Quercy l’indiffère totalement. Elle restera unique quel que soit le nom dont on l’habille. Car les modes passent et s’oublient et le monde, imperturbable, continue de tourner de guingois.

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