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Chroniques d'un vieux bougon
26 juin 2014

De la lettre au courriel

 

Lettre_courriel

       Les facteurs se suivent et ne se ressemblent pas. Du moins ceux qui glissent les publicités, les magazines et, de temps à autre, les lettres de l’administration, dans les boites réservées à cet effet dans les porches des immeubles comme à la porte des maisons blotties dans leur écrin de verdure perdu au fond des campagnes. Celui qui assurait plus ou moins régulièrement ce service jusqu’à l’entrée de mon courtil a disparu vers d’autres horizons au profit d’une pétulante jeune femme. Elle n’est encore que stagiaire à l’essai, mais espère bien "décrocher le poste", me confie-t-elle en arborant un large sourire qui illumine ses yeux d’un bleu pâle qui s’accorde fort bien à son teint. « Et si vous êtes absent, où voulez-vous que je dépose vos colis ? » Je n’ose lui dire que, dorénavant, je ne saurais m’éloigner de mon arbre. Je la remercie néanmoins chaleureusement de son obligeance et ajoute que je ne voudrais pas la retarder dans sa lourde tâche d’apporter dans chaque foyer des nouvelles de la famille, des amis…Mais elle me coupe gentiment : « Vous savez, de nos jours, plus personne n’écrit. De toute façon, il faut bien que je distribue les prospectus ! » Et elle s’en retourne en faisant ronfler le moteur de sa petite camionnette qu’elle ne maîtrise pas encore très bien. Elle n’a pas tout à fait tort, pensai-je en remontant jusqu’à ma maison où ne m’attend pas mon chat César endormi en rond sur le canapé après deux jours d’escapade. C’est qu’il paraît de plus en plus difficile, en effet, d’aligner sur une feuille blanche les mots les plus ordinaires comme "bonjour", "comment vas-tu ?" ou "à bientôt, j’espère". Même sans les pleins et déliés obligatoires comme à l’époque de l’école communale, sans faute d’orthographe comme au temps des "cinq fautes zéro" et sans déborder de la ligne bleutée qui servait jadis de guide ! Ma mère, qui n’avait pas son Certificat d’Etudes, mettait un point d’honneur à faire de vraies phrases, avec de vrais mots presque calligraphiés. Mais aujourd’hui, mon éditeur lui-même, par soucis d’économie sans aucun doute, ne m’adresse plus que des courriels dans un style resserré digne des sms téléphoniques. On dit, selon la télévision, que les jeunes sont de plus en plus adeptes de cette méthode moderne de communication et que les plus inventifs en matière d’abréviations sont aussi les meilleurs en français. Les professeurs seraient-ils devenus moins exigeants qu’autrefois ? La langue française aurait-elle été édulcorée une fois de plus à mon insu ? À moins qu’il ne s’agisse là d’une nouvelle méthode de sélection pour l’admission dans les Hautes Écoles de Tout. Quoi qu’il en soit, il me faut me rendre à l’évidence : ma jeune factrice n’aura plus guère à me transmettre que quelques cartes postales, peut-être, d’amis exilés vers des cieux étrangers pour quelques jours de vacances et, toujours, les avis du percepteur. Car lui n’omet aucun mot ni, surtout, aucun chiffre et ne manque jamais de les consigner tous sur papier gouvernemental dûment estampillé République Française. On voit par-là que quelque soient leurs détours, le monde en général et celui de la phynance en particulier continuent inlassablement de tourner de guingois.

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Commentaires
L
Bonjour Cher Bougon, apprenez que des retraités de l'Education nationale donnent, gracieusement, des cours d'écriture à des ingéneurs, dans les entreprises. Eh oui, nos têtes pensantes ne savent plus écrire sans fautes, hélas. Comme quoi, être diplômé suppose, de nos jours, de graves carences grammaticales ! A quand le retour du plaisir épistolaire, les bons mots que l'on s'échangeaient autrefois ? Peut-être faut-il souhaiter un bon gros bug informatique ?
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