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Chroniques d'un vieux bougon
13 septembre 2014

Le syndrome de la courgette

courgettes_et_magrets

     Invité, cet été, à passer quelques jours chez mes amis Jacques et Sophie dans leur maison familiale blottie au cœur du Lauragais. L’un et l’autre étaient jusqu’à présent de fervents adeptes de la cuisine du Sud-ouest. Ce qui explique pourquoi nous étions souvent nombreux à partager leur table. Mais c’était avant ! Traditionnellement, dès que chacun avait pris place devant un verre de Tariquet en guise d’apéritif, revenait la lancinante question : qu’est-ce qu’on mange demain ? Les suggestions fusaient dans toutes les directions : pâtés en croute, cassoulets, magrets ou confits de canard, foie gras des landes, boudins aux pommes et saucissons. Désormais Sophie met un point d’honneur à retoquer toutes ces propositions sous le prétexte que tout le monde n’est pas obligatoirement gourmet de canard, de haricots blancs ou de cochonnailles mais, surtout, parce que tous ces mets, pour aussi savoureux qu’ils soient, ne s’accordent guère avec une diététique saine et équilibrée pour le corps et l’esprit. En réalité, la véritable maîtresse des lieux est une nutritionniste reconnue, docteur en presque tout et auteur d’un ouvrage fort documenté sur les omégas3, vitamines B6 et B9 et autres antioxydants qui seraient indispensables à la survie de l’espèce humaine. Ainsi, lorsqu’Henri se lève pour rappeler que les frites sont riches en magnésium et en potassium, le verdict tombe-t-il inexorablement : « Trop copieux pour un repas du soir ! » François évoque-t-il une modeste omelette avec des champignons et de la ciboulette pour le décor en précisant que la lutéine et la zéaxanthine contribuent à lutter contre la dégénérescence maculaire ? La sentence ne se fait pas attendre : « Certes le calcium, le fer, le zinc et le sélénium sont intéressants mais trop risqués pour les cœurs fragiles. » Et chacun de porter la main à la poitrine en signe d’amour indéfectible pour l’hôtesse. « Est-ce qu’une salade de tomates accompagnée de quelques haricots verts trouveraient grâce ? » ose Anne-Lise d’une voix hésitante. Un tohu-bohu général lui répond et Jacques en profite pour remplir de nouveau les verres. C’est alors que le voisin, retraité du chemin de fer et jardinier émérite, entre en scène, porteur, comme chaque soir, d’un plein panier de courgettes. « Ma cueillette de ce matin. » Certes, nous connaissons tous les indéniables qualités de la courgette en matière de caroténoïdes et polyphénols sans compter les vitamines de toutes catégories et autres minéraux. Mais pourquoi est-ce toujours elle qui emporte désormais la décision ? Est-ce pour montrer jusqu’où peuvent s’étendre les ravages de la science lorsqu’elle se mêle de garnir les assiettes d’un monde qui voudrait tout simplement courir dans la joie vers son avenir radieux ?

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