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Chroniques d'un vieux bougon
25 septembre 2014

Définitivement ringard.

ringard

    Il fut un temps où, pour un rural, obtenir un appartement en HLM permettait d’accéder enfin au confort tant vanté par les réclames, salle de bain avec baignoire, bidet et water-closets Jacob-Delafon, cuisine avec évier en inox et vide-ordure automatique et ascenseur Roux et Combaluzier pour atteindre le quatorzième étage.  Hélas, nos mères se trouvèrent, de ce fait, fort éloignées des foires et marchés de leur canton. Elles prirent alors l’habitude de compulser le catalogue de La Redoute et de se faire livrer à domicile la petite robe à fleurs si mignonne, les torchons qui essuient tout et le bleu de travail du père. Devant l’arrivée de cette clientèle potentielle, modeste souvent mais avide de contracter jusqu’aux plus humbles maladies urbaines, des supermarchés s’ouvrirent en périphéries des agglomérations.  Il devint alors absolument ringard d’acheter par correspondance.  Comme on n’allait plus à la messe du dimanche matin noblement vêtu d’une chemise blanche et d’une cravate, se baguenauder en jean et baskets entre les allées de ces nouveaux temples de la consommation, toujours plus vastes et toujours mieux approvisionnées, offrit une belle occasion de s’évader des quatre murs étroits de l’appartement. C’était d’ailleurs autrement plus excitant que de subir les sermons du curé sur les bienfaits de l’abstinence pendant le carême ou les bavardages apprêtés sur le parvis de l’église avec les voisines et les dames patronnesses. Et arriva internet ! Il devient aujourd’hui du dernier ringard de perdre son temps entre des étals sur-achalandés où, comme l’écrit si bien Jean-Louis Fournier, l’embarras du choix vient gâcher le plaisir de l’achat. Sans compter le risque de rencontrer, par hasard,  la famille Groseille  de l’étage au-dessus au grand complet, la femme du concierge du bloc d’immeubles qui colporte allègrement les ragots que lui distille son mari ou l’infatigable bricoleur du premier qui joue de la perceuse tous les samedis matins.  Non, le nouveau "must" est de commander "en ligne" et de faire un détour par le porche "drive" du supermarché voisin pour prendre livraison. Non seulement vous évitez les rencontres indésirables mais vous gagnez un temps précieux. Et d’autant plus précieux que vous pouvez enfin reprendre la lecture d’ "À l’ombre des jeunes filles en fleurs" de Marcel Proust, par exemple, vous plonger dans "La Passion de la méchanceté" de Michel Onfray ou même dans "Justine ou les malheurs de la vertu" du divin marquis de Sade. Vous pouvez écouter en paix le quatuor Arditti dans le Quatuor VII "Open Time" de Pascal Dusapin ou la "Prédication aux oiseaux de Saint François d’Assise" par Anne-Marie Dubois. Ou vous abreuver d’un peu de culture avec l’exposition Martial Raysse à Beaubourg ou La Traviata à l’Opéra-Bastille avec Ermonela Jaho et Francesco Meli ! Pourtant, un vague souvenir des charmes de la campagne sommeille encore quelque part dans l’inconscient de tout citadin. Nul doute qu’il y cèdera un jour prochain à l’occasion du nouveau revirement de tendance qui se profile : aller faire son marché de légumes bios au village voisin. Car rien n’est jamais aussi ringard qu’un monde figé qui n’avance plus dans la joie vers un avenir toujours plus radieux.

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