Signes ostentatoires de pauvreté

     C’était il y a deux mille ans. Le ciel se grise. La nuit va bientôt tomber sur la petite ville de Bethléem, dans la province de Judée. Un couple de SDF se présente à la porte du caravansérail qui en marque l’entrée. La jeune femme, Marie, est assise sur un âne que tient à la longe son compagnon Joseph. Elle est enceinte et proche d’accoucher. Mais l’affluence est telle qu’il n’est pas possible de leur trouver le moindre recoin à l’abri des courants d’air. Ils doivent se contenter d’une modeste étable occupée par un bœuf qui leur abandonne un peu de paille. Ils s’installent mais les douleurs de l’accouchement arrivent. L’enfant pousse ses premiers cris quelques heures plus tard. L’homme l’emmaillote grossièrement dans un linge et le dépose dans l’auge de l’animal en guise de berceau tandis que la mère s’endort, épuisée. Grâce aux écrits de Luc, de Mathieu, de Marc et de Jean, on connaît la destinée qui attend le nouveau-né. La coutume est restée chez les Chrétiens de commémorer cette scène en glissant, chaque solstice d’hiver, une crèche sous le sapin. Il était en effet de tradition dans les temps antiques de célébrer le renouveau de la nature annoncé par le rallongement des jours précurseur du printemps. Chaque foyer décorait et décore encore un sapin, signe par sa verdure de la pérennité de la vie. Adjoindre une crèche rappelant la naissance d’un enfant ajoutait encore au symbole. Or voici que sous prétexte de laïcité, on refuse aujourd’hui à cette habitude le droit de s’exprimer dans les lieux publics ! Certes, notre société moderne a quitté la terre des paysans pour l’asphalte des villes depuis bien longtemps. Mais ces ayatollahs de la règlementation administrative autoproclamés libres penseurs ne sont certainement pas sans savoir que les grandes transhumances qui jettent sur les routes nombre de vacanciers doivent justement leur existence à ces fêtes hautement païennes qui accompagnaient, jadis, les solstices et les équinoxes. On en vient donc à penser que leurs motifs réels sont ailleurs. Ils pourraient résider dans ces signes ostentatoires de pauvreté qui font les principes même de la crèche. Ne risquent-ils pas en effet de perturber les ardeurs consommatrices des chalands si fébriles en cette période de l’année et de nuire au commerce ? S’il en était ainsi, il conviendrait également d’interdire l’accès des rues aux SDF, de repousser les mendiants dans les campagnes afin qu’on ne les voie plus et de supprimer les distributions de repas chauds aux carrefours de nos cités. Mais on voit bien alors que le véritable scandale n’est pas dans l’exposition d’une crèche, présenterait-elle un caractère religieux, mais bien dans l’existence même de la pauvreté. C’est là que devrait se situer leur combat. Et le monde ferait peut-être alors un vrai pas en avant sur la route d’un avenir radieux.

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Comments

[Monique]

1) Oui, vous avez raison, certaines fêtes chrétiennes ont pris opportunément la suite de fêtes de religions païennes qui se perdaient dans la nuit des temps.

2) Oui, la religion chrétienne , en devenant religion d'état pendant longtemps , a bien organisé notre société puisqu'elle avait le pouvoir. Mais tout pouvoir finit par générer de légitimes contre-pouvoirs, desquels est issue la libre-pensée. Ceci dit, vous avez raison, tout le monde s'accorde à dire que la crèche est une tradition et non un signe religieux. Les libres penseurs perdront certainement la partie, mais paradoxalement la chrétienté y perdra sa substance. C'est L.de Boissieu, journaliste à La Croix qui dit : "Rendez-moi ma crèche religieuse et enlevez-la de vos mairies."

3) S'occuper de la pauvreté: La moitié de la richesse du monde détenue par 1% de la population...on peut tous s'y mettre... Et, oui , aux crèches dans les mairies au lieu et place de grillages pour empêcher les SDF d'utiliser les bancs publics devant les mairies

Cordialement.

[monique]

Nous ne sommes pas que chrétiens car les conversions n'ont jamais fait disparaître complètement les anciens socles desquels nous sommes issus.

Celtes, romanisés donc un peu Egyptiens et Grecs, "Gothiques" et Francs Saliens, un peu Maures..."Nordmanisés"...Tout ça fait des plaques tectoniques , toujours en mouvement, produisant régulièrement des éruptions volcaniques, souvent effusives, mais parfois stromboliques !

Mais, bien sûr , il est banal , après avoir acheté sa crèche, comme n'importe quel autre produit, entre la boule de neige et la guirlande dorée, en grand magasin -enrichissant au passage les chinois- de la mettre sous le sapin.

Quant au président du CG, s'il prétend, comme vous le dîtes, lutter contre le mercantilisme et magnifier l'état de pauvreté avec sa superbe crèche achetée avec l'argent des contribuables, il aurait tout simplement pu mettre à la place un SDF , comme l'était Joseph. S'il ne l'a pas fait -ne soyons pas naïfs- c'est qu'il veut s'opposer ostentatoirement à une autre religion et surtout qu'il n'y a plus de pauvres, seulement des "assistés" (=fainéants) "cancers de la société" dit un homme de pouvoir.L'image actuelle d'un SDF n'est pas pédagogique.

Il faudrait un miracle pour changer et ça ne va pas être possible, les Hommes sont de trop "mauvaise foi".

Cordialement.

[vu du donon]

Avec votre permission, j'adresse cet article à toute ma liste de destinataires amicaux. Vous aurez contribué à réchauffer cette fin d'année bousculée par tant d'inepties proclamées. Bon Noël, PT