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Chroniques d'un vieux bougon
18 décembre 2014

L'avenir d'Anaïs

avenir_anais

     Le Papet est de permanence. Anaïs, ma petite voisine, est confiée à ma garde pour la journée par des parents absolument inconscients des graves conséquences qui en résulteront. Elle a par exemple le droit de courir dans les moindres recoins, de fouiller les placards de la cuisine et d’en sortir en riant les casseroles, poêles et autres ustensiles qui brillent et font de bruit en tombant sur le carrelage ou d’éparpiller ses jouets sur le tapis, dans mon fauteuil préféré et jusque sur la chaise de mon chat César qui s’est prudemment réfugié dans le bureau. Elle grimpe par ailleurs sur le moindre tabouret, danse sur la table du salon au rythme des variations de Mozart interprétées par Daniel Barenboïm et exhumerait le premier roman de Patrick Modiano s’il n’était soigneusement rangé au fond de l’armoire normande qui sert de bibliothèque. En un mot, elle fait entrer la vie et le soleil dans ma maison noyée dans la grisaille de décembre. Grâce à Dieu et à la fatigue, elle consent enfin, alors que les cloches de l’église sonnent tierce, à s’allonger sur le canapé et s’assoupir. Profitant de ce répit, je m’offre une tasse de mon mélange de malabar moussonné du Viêt-Nam et de kwilu de Congo tout en écoutant le Requiem de Fauré avec Sheila Armstrong et Dietrich Fischer-Dieskau. Tandis que j’observe les traits apaisés de la belle endormie, je ne peux m’empêcher de m’interroger sur les jours qui l’attendent. Quelle adolescente sera-t-elle dans douze ou treize ans ? Sans doute impossible et capricieuse comme elles le sont toutes à cet âge mais aussi gourmande de tout savoir et de tout expérimenter. Quelle femme sera-t-elle dans trente ans ? Belle, évidemment. Et je ne peux l’imaginer autrement que brillante, cultivée, entreprenante, indépendante et, en même temps, profondément attachée à son amour du moment. Peut-être même aura-t-elle un enfant à son tour ! Mais comment sera le monde qui l’entourera ? Les livres, les débats à la télévision, les films évoqueront-ils encore la nostalgie vintage où se complait actuellement notre petit univers occidental ? Aurons-nous réellement combattu la pollution qui pourrit l’air de nos villes et l’eau de nos rivières ? Aurons-nous ralenti notre quête effrénée de richesses et de confort qui épuise la planète ? Aurons-nous enrayé les avancées barbares des intolérances et des fanatismes ? Je ne serai plus, alors, mais quel monde lui laisserai-je ? Que pourrai-je faire, avant de partir, pour le lui transmettre le plus agréable possible ? Mais un gros soupir soulève sa poitrine. « Papet, j’ai faim ! » Le présent retombe d’un coup sur mes épaules. « Et si on allait porter leur friandise de pain dur aux chèvres ? » Le temps de revêtir un manteau de pluie et de chausser des bottes et nous voici en route pour l’aventure au fond de mon courtil. Et pendant ce temps-là, le monde poursuit sa course désordonnée vers un avenir qu’il espère radieux.

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Commentaires
M
Oui, il faut l'espérer radieux, mais ça n'en prend pas le chemin.<br /> <br /> Il faudra qu'elle prenne le car de ramassage scolaire, qu'elle se lève le mercredi pour faire de la pâte à pain et ses notes seront des couleurs! Je suis pessimiste.
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