Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Chroniques d'un vieux bougon
14 avril 2015

"Religaré" : relier

religion_L

      Assisté, dans l’église de son village, à la cérémonie d’inhumation d’un ancien collègue vaincu par le cancer. De son propre aveu, il n’était guère croyant mais il ne voulait pas aller à son enterrement tout seul, comme un chien. Il voulait du monde autour de lui, sa famille, ses amis, ses voisins ou quiconque d’assez charitable pour l’accompagner quelques pas sur le chemin de son éternité. « Et l’église est encore le meilleur endroit pour réunir tout ce monde », concluait-il dans un souffle. Quoi qu’en pensent en effet ceux qui se croient athées, la religion avait aussi autrefois, et peut-être surtout, un important rôle social. Souvent contraignant parce qu’il était essentiel d’en suivre les règles sauf à accepter d’être plus ou moins écarté de la communauté. Il convenait ainsi de faire acte de présence à la messe du dimanche, d’écouter sans broncher l’interminable sermon du curé et de ne pas s’assoupir au point de ne se pas lever à l’heure de l’"ite missa est".  Mais rien ni personne ne vous obligeait à chanter les cantiques à gorge déployée et vous pouviez bayer aux corneilles en paix ou penser à tout autre chose qu’à votre salut éternel. Il y avait les usages et leurs innombrables non-dits et sous-entendus. Mais ils étaient délicatement enrobés d’une tolérance bonne enfant qui aidait grandement à les supporter. On n’appelait pas encore ces us et coutumes le "vivre ensemble" mais ils en tenaient lieu.  Puis vinrent avec les années soixante l’exode des ruraux vers les villes et leurs cités HLM et, surtout, la voiture pour tous. On entra de plain-pied dans l’ère du chacun pour soi et il n’était plus question de se soumettre aux vieux dictats venus du fond des âges. Les églises se vidèrent peu à peu. Certains sociologues prédirent même la mort à court terme des religions sous les coups de boutoir des bienfaits conjugués de la modernité et du progrès. Avec l’ouverture du monde et l’arrivée de la compétition à tout crin, l’individualisme forcené s’empare alors du pouvoir. Les méthodes les plus exotiques pour développer sa personnalité fleurissent sur les rayonnages des supermarchés. "Comment devenir soi", "Dynamiser son sur-moi en trois mois", "S’affirmer par la pensée positive". C’est l’ère de la quête obligatoire du bonheur personnel comme preuve tangible d’une existence unique. Il n’est évidemment plus question de "croire" en quoi que ce soit. C’est absolument dépassé, caduque, suranné, voire archaïque sinon même antédiluvien. Une seule et unique religion est dorénavant acceptée sinon même obligatoire.  La religion de la République et du Service Public : la laïcité. Elle a ses thuriféraires assidus toujours prêts à en découdre de tribune libre dans les journaux d’opinions en plateaux de télévision. Elle a ses gourous qui diffusent gravement leur doctrine à coup de petites phrases savamment orchestrées dans les médias. Elle a ses doctrinaires qui voudraient, sans attendre le départ de leurs vieux fidèles, faire définitivement table rase des anciennes croyances réputées liberticides. Elle a ses intégristes aux interprétations les plus restrictives qui n’aspirent qu’à exclure et interdire. En un mot cette nouvelle religion pense et se comporte exactement comme toutes les religions du monde. Alors, assis sur mon banc de bois au dossier particulièrement inconfortable, il me vient à rêver à l’époque où la religion était, comme son nom l’indique, un lien sinon entre le ciel et le croyant mais au moins, par la tolérance et l’ouverture aux autres, un lien reliant les hommes entre eux.

(Suivre les chroniques du vieux bougon en s’abonnant à newsletter)

Publicité
Publicité
Commentaires
L
L'importance du lien, en effet, avec les autres, même dans la recherche du bonheur personnel. La laïcité devrait permettre la sauvegarde du lien, qu'il soit religieux, ou pas, non ?
Répondre
M
N'est-ce pas faire offense aux personnes qui se font enterrer civilement ( ils sont nombreux) et à leur famille que de penser qu'ils s'enterrent comme des chiens ?<br /> <br /> En Allemagne, où nous étions récemment pour l'enterrement d'un ami, on met à disposition un lieu adapté qui permet le déroulement systématique d'une cérémonie d'adieu civile, suivie d'un office religieux (catholique ou protestant) pour les familles qui le souhaitent. <br /> <br /> Laïcité, liberté de conscience...n'y aurait-il pas, en France, un déficit plutôt qu'un trop?<br /> <br /> <br /> <br /> Quant au bonheur , St Augustin ne disait-il pas "Le désir de bonheur est essentiel à l'homme, il est le mobile de tous nos actes". Alors, bonheur différé dans l'au-delà ou bonheur immédiat ? Dans les deux cas, si vous n'y arrivez pas vous êtes nuls. Vous n'avez pas correctement appliqué la méthode. Toujours coupables ...
Répondre
M
A Plancy, comme tous les ans, nous aurons le foire de l'Ascension. Il faudra peut-être la changer de nom !<br /> <br /> Mais comme c'est un jeudi et que ça ne sera peut-être plus férié...
Répondre
A
Si les défenseurs de la laïcité se comportent eux aussi en ayatollahs, comment s'en sortir?!
Répondre
Chroniques d'un vieux bougon
Publicité
Chroniques d'un vieux bougon
Albums Photos
Newsletter
Derniers commentaires
Archives
Publicité