Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Chroniques d'un vieux bougon
4 octobre 2016

Mais de quoi vivront-ils ?

migrants

       Le bruit court depuis une semaine et alimente les joutes oratoires qui animent régulièrement les commerces du bourg. C’est désormais officiel. Selon l’adjointe en charge des questions sociales, notre village, par la voix de son maire, vient de se porter volontaire auprès de la Préfecture pour accueillir une famille de réfugiés. Après les premiers instants de sidération, c’est une explosion de commentaires qui s’engouffrent dans la rue principale, bousculent les habitués du bistrot de la place de l’église et se répandent dans la campagne jusqu’au hameau le plus éloigné. Mais où va-t-on les loger ? Chacun imagine déjà l’arrivée des gendarmes toutes sirènes hurlantes pour procéder à la réquisition de son salon, qui héberge déjà le canapé familial et le poste de télévision, de la chambre à coucher parentale, la plus luxueuse de la maison avec ses douze mètres-carrés, et peut-être même aussi celle du fils qui ne vient plus que pour la Noël. En réalité, les locaux de l’ancienne école privée offrent des possibilités intéressantes. Ils sont devenus propriété de la commune après le dépôt de bilan de l’association éducative pour cause de manque d’élèves. Ils feront très bien l’affaire après quelques aménagements de bon aloi. La subvention prévue à cet effet par le Ministère aidera opportunément à les financer à moindre coût. Mais combien seront-ils ? Certains tremblent déjà à l’idée de voir la Syrie, la Turquie, l’Ouzbékistan sinon même le Moyen-Orient ou l’Afrique noire tout entière déferler sur le village tel un tsunami dévastateur. On a demandé une famille avec des enfants en âge d’aller à l’école. Ce qui devrait permettre de conserver la classe que le rectorat menace de fermer. Mais toute une famille, ça fait beaucoup ! Cinq ou six personnes de plus pour 1200 habitants, vous croyez vraiment que c’est insurmontable ? Mais de quoi vivront-ils ? Il faudra d’abord sans doute leur apprendre à parler le français. Lucette (l’adjointe aux affaires culturelles, ndlr) s’en occupera ! Et leur apprendre aussi à trouver leur chemin dans les méandres de l’administration. Ils n’avaient sûrement pas la même chez eux. Ce sera l’affaire de Mireille (la secrétaire de mairie, ndlr). Mais de quoi vivront-ils ? Ils devraient toucher une allocation. Mais il faut qu’ils soient inscrits, que leur dossier soit étudié, que la commission donne son avis… Ils seront morts de faim avant, les pauvres. Précisément, si chacun donnait en attendant une botte de carottes ou une cagette de pommes de terre de son potager en plus d’un poulet par-ci et d’un lapin par-là, on pourrait l’éviter. Marcel (le cantonnier en chef, ndlr) organisera tout cela. Resteront-ils longtemps ? Cela dépend d’eux, de l’État, de l’administration. Mais après, de quoi vivront-ils ? Si on ne les accueille pas trop mal, s’ils acceptent de rester vivre à la campagne, s’ils sont admis comme réfugiés, ils devront chercher du travail comme tout le monde ! Encore des chômeurs en plus alors. Tu en connais des chômeurs au village ? C’est vrai qu’il n’y a pas de chômeurs. Les jeunes sans emploi sont déjà partis et ne restent plus que les vieux ! La discussion menaçant de dégénérer en lamentations sur le sort réservé aux anciens, l’adjointe choisit de se retirer sur la pointe des pieds. Les analyses critiques, observations savantes et autres réflexions épidermiques n’en continuent pas moins à nourrir les discussions. Avec toutefois un constat que relèvera dans son prêche dominical le curé venu du chef-lieu de canton pour l’occasion : en dépit des inquiétudes de tous ordres face à la nouveauté et en dépit des craintes émises çà et là par l’arrivée d’étrangers au sein de notre petite communauté, on ne remarque pas vraiment de rejets systématiques. Comme si le fait de mettre presque un visage sur ces silhouettes que l’on aperçoit à la télévision leur donnait un caractère humain. Ce qui devrait nous laisser, collectivement, bien des choses à penser.

(Suivre les chroniques du vieux bougon en s’abonnant à newsletter)

Publicité
Publicité
Commentaires
L
je pense qu'ils seront mieux accueillis par chez vous que dans la fourmilière citadine. On montre toujours ceux qui renâclent mais plus rarement ceux qui ouvrent leur coeur. Amitiés cafardesques et toujours un plaisir de vous lire
Répondre
L
Une bonne action...Je suis moi même descendant de migrants italiens...
Répondre
C
De-même qu'il faut construire les villes à la campagne, comme disait Alphonse, il faut y loger les migrants ou réfugiés en les répartissant judicieusement. Ils y seront bien accueillis, jouissant d'un effet de curiosité et bénéficiant d'une solidarité restée vivace car on y sait envers qui elle s'exerce.
Répondre
L
Hello Cher Vieux Bougon,<br /> <br /> Apprenez que dans mon Sud-Ouest toulousain, 11 communes se sont prononcées en faveur de l'accueil de migrants, des communes souvent de "gauche". Je passe sur les diatribes de certains maires, certainement des nostalgiques des années 30, mais quand je vois qu'en Grèce se sont des centaines de milliers de migrants qu'ils ont à gérer... alors qu'en France nous en avons 7000 !!! Et surtout, ces migrants ont tant à nous apporter... A la prochaine Vieux Bougon :-)
Répondre
Chroniques d'un vieux bougon
Publicité
Chroniques d'un vieux bougon
Albums Photos
Newsletter
Derniers commentaires
Archives
Publicité