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Chroniques d'un vieux bougon
11 novembre 2016

Commémorer

 

commemorations

      11 Novembre. Réunion quasiment furtive au pied du monument aux morts du village. Le conseilmunicipal est certes au grand complet mais presque seul à commémorer l’armistice. Recroquevillés sur le trottoir pour ne pas gêner la circulation automobile, les rares participants semblent même étonnés d’être encore si nombreux. On fêtait autrefois la naissance du futur roi par des liesses populaires. On célébrait son avènement sur le trône au décès de son père par des "Vive le Roy" d’autant plus enthousiastes qu’on attendait de lui un peu plus d’équité, un approvisionnement régulier en farine et enfin la paix en tous lieux. On descendait même dans les rues et sur les places publiques entre deux démonstrations de colère contre l’arbitraire et la famine pour danser la gigue ou la bourrée au mariage du Dauphin. Jusqu’au jour où l’on dansa la carmagnole autour des guillotines. Depuis lors, si la République réunit son peuple une fois l’an pour célébrer la prise de la Bastille et l’abolition des privilèges, elle le convoque bien plus souvent autour du monument aux morts pour honorer ceux que la conscription a envoyés périr dans les charniers de l’Histoire. Pour assouvir les rêves royaux de conquête et de gloire, des générations de paysans avaient achevé leur vie sur des labours étrangers sans revoir jamais leur payse. La République les envoya quant à elle mourir pour défendre la Patrie contre l’envahisseur. À la paix revenue, elle inscrivit religieusement leur nom en lettres d’or sur une colonne de granit érigée au cœur de chaque ville et de chaque village. Pour que nul n’oublie leur sacrifice. Pour que nul n’oublie combien les guerres sont avides de sang. Les guerres continuèrent malgré tout. Toujours plus meurtrières et toujours plus sauvages. Autrefois, élus, anciens combattants, notables, fanfare municipale, enfants des écoles et toute la population civile ou militaire se recueillait en mémoire de ceux-là qui étaient tombés pour que vive la Liberté de tous. Le clairon sonnait plus ou moins juste. Le discours du maire ou du sous-préfet, se révélait plus ou moins brillant. La minute de silence était plus ou moins longue. La Marseillaise plus ou moins académique. Et le curé plus ou moins présent au sortir de sa messe dominicale. Mais chaque famille était représentée par au moins l’un des siens. Et après le "rompez" du chef de la section locale des rescapés, la population regagnait ses foyers en échangeant des nouvelles de voisinage ou en discourant de l’avenir du monde. Mais qu’en reste-t-il aujourd’hui ? Les médias ne manquent certes pas de se faire l’écho des cérémonies officielles avec leurs séquences de défilés martiaux et de discours pompeux. Les maires et les préfets se retrouvent toujours devant la colonne du souvenir entourée de ses parterres de fleurs et surmontée des drapeaux ressortis des placards. Mais où sont les enfants des écoles qui apprenaient à cette occasion le prix des mots patrie, guerre et liberté ? Où sont leurs parents, leurs oncles, leurs frères ?  Le tournant du demi-siècle dernier marqua la sortie du dernier conflit à avoir ensanglanté nos contrées d’Occident. Las sans doute de tant de gâchis, nos peuples parvinrent enfin à dépasser leurs controverses et leurs inimitiés sinon leurs haines si souvent et si longtemps ressassées au nom de la revanche pour créer un nouvel et vaste espace de paix. Et non seulement celles et ceux qui naquirent ensuite ne connurent plus la guerre à leur porte mais ils n’y envoyèrent pas non plus leurs enfants. Ceux-là même qui, aujourd’hui, ignorent que dans leur quartier, dans leur ville, dans leur bourg, dans leur village, des milliers d’hommes et de femmes furent happés par la mort ou estropiés pour la vie. Pour que le mot Liberté garde un sens. Les anciens combattants s’éteindront peu à peu. Ne témoigneront plus, bientôt, que les livres d’Histoire. Que restera-t-il demain de ces liturgies républicaines mêlées aux déjà si nombreuses et évidemment indispensables commémorations ? Voilà qui laisse bien des choses à penser.

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Commentaires
L
oubliés jusqu'à ce qu'un nouveau conflit vienne abreuver ces sillons là hélas. Et les temps sont bien troublés
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C
Tout cela est un peu triste. Je me rappelle aussi les cérémonies de mon enfance avec sonnerie aux morts. Autant en emporte le vent du présent...Oubli de l'histoire et de nos racines...
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L
Il ne faut pas oublier les nombreuses vies détruites par la folie des hommes...
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