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Chroniques d'un vieux bougon
11 décembre 2016

L'esprit de fraternité

esprit_de_noel

     Convocation à la mairie du village : les services administratifs du département font une campagne de vérification du cadastre, ouvrant ainsi de belles perspectives aux chicanes à venir. À mon arrivée, les agents communaux inspectent un échafaudage dressé devant la porte d’entrée. Ils m’abandonnent aimablement le passage et je me dirige vers l’accueil lorsque je croise le maire. Vous installez une nouvelle décoration de noël devant la porte ? Non, ils vont nettoyer l’inscription liberté, égalité, fraternité qui ne se lit plus très bien ! Surtout le mot fraternité, pensai-je en regagnant mes pénates. La proximité des fêtes de Noël donne une résonance particulière à l’initiative communale. Non pas que cette fraternité soit réellement absente de la vie quotidienne. Nombre de voisins s’entraident mutuellement. Mais il s’agit plus d’une solidarité de bon voisinage que d’amour fraternel. On peut d’ailleurs remarquer que les révolutionnaires à l’origine de la belle triade qui illustre aujourd’hui les frontons de nos mairies ne réclameront d’abord que la Liberté. Il faudra attendre la nuit du 4 août et l’abolition des privilèges pour que les pères de la République convoquent l’Égalité dans la fameuse déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789. S’y ajouteront ensuite çà et là la Propriété et la Sécurité. Cette fraternité qui faisait appel à l’amour du prochain rappelait par trop les prêches du curé pour être mise en avant par les sans-culottes du siècle des Lumières. Camille Desmoulins l’ajoutera cependant à la devise républicaine pour la fête de la Fédération du 14 juillet 1790. Il faudra attendre le 14 juillet 1880 pour que "Liberté, Égalité, Fraternité" devienne la seule devise républicaine homologuée et s’inscrive sur tous les bâtiments des institutions publiques. On voit par-là que cette "fraternité" n’était pas le souci premier du citoyen. L’est-elle plus aujourd’hui ? Une belle tradition campagnarde imposait autrefois d’ajouter pour le visiteur du soir une assiette de plus que de convives attendus autour de la table familiale. Mais les foyers se sont peu à peu éteints et les villages peu à peu vidés de leurs habitants. Recroquevillés dans leurs appartements citadins avec chauffage central et eau courante à l’évier, les émigrés ruraux n’ont pas prorogé cette coutume. Les chemineaux de jadis sont devenus des clochards sans domicile fixe, des sans-abri oubliés des protections sociales universelles ou des migrants en quête d’une terre d’accueil. Ils illustrent désormais en grand nombre les rues grises des villes. La messe de minuit dans une église glaciale est remplacée par l’émission de télévision dans le canapé auprès du radiateur et le bol de chocolat chaud au pied d’une flambée de fayard par le réveillon avec huitres de Marennes, foie gras du Périgord, dinde farcie du Quercy et vin mousseux à volonté. L’esprit de noël a été transféré dans les épiceries fines et les supermarchés et le couvert supplémentaire n’est plus assuré que par la distribution de soupes populaires par les associations caritatives devenues les déléguées officielles à la Fraternité. Qui, au-delà des discours bien-pensants, ouvre encore sa porte à un indigent ? Voilà qui devrait nous laisser bien des choses à penser.

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Commentaires
M
Sur l'hôtel de ville de Troyes, il est écrit:"liberté, égalité, fraternité, ou la mort"<br /> <br /> 2taient condamnés à mort ceux qui n'ont pas constamment manifesté leur attachement à la Révolution, <br /> <br /> Ces devises ont pour le plupart été supprimées des monuments,pour réaparaître au 19ème siècles sous leur forme actuelle.
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L
Finalement, de ces trois mots, il ne reste plus grand chose !
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