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Chroniques d'un vieux bougon
20 décembre 2016

Il était une fois ...

       Le Point Lecture du village est bien entendu ouvert aux enfants chaque mercredi après-midi. C’est ainsi que je suis régulièrement invité à les rencontrer, à dialoguer avec eux et à essayer de leur faire partager ma passion de la lecture. Influencé sans doute par la proximité des fêtes de fin d’années, je leur écris cette fois un conte de Noël. Il était une fois…

conte

       Il était une fois un bœuf qui ruminait paisiblement dans un coin abrité de son étable après une longue et dure journée consacrée à la recherche de la moindre touffe d’herbe. Mais un remue-ménage inattendu le sort de sa torpeur. Un couple et son âne s’installent à ses côtés. Il renâcle bien un peu mais la jeune femme est manifestement très enceinte et très fatiguée. Comme la place ne manque pas, il ferme les yeux et reprend benoîtement sa sieste. Il le regrettera bientôt. Soudain saisie des premières douleurs de l’enfantement, la parturiente gémit doucement puis de plus en plus fort. Les conseils fébriles de l’homme un peu dépassé par les événements lui font un écho fastidieux. De son côté, l’âne qui les accompagne se jette sans vergogne sur le foin que notre locataire des lieux destinait à son petit-déjeuner. Mais les plaintes de la femme s’arrêtent sur un point d’orgue intense de délivrance. Le calme va-t-il revenir ? Non ! Il est aussitôt déchiré par les cris du nouveau-né. Désemparé, l’homme l’enveloppe dans un mauvais linge pour le protéger du froid et le tend à sa mère qui le presse contre elle avec tendresse. Mais l’enfant pleure toujours. Des plaintes qui semblent vouloir atteindre le ciel lui-même et les étoiles qui dessinent leur ballet fantastique au-dessus du monde indifférent. Puis le silence retombe. Agrippé au sein de sa mère, l’enfant tète goulûment. Il s’endormira rapidement. Épuisée, la jeune maman s’assoupit à son tour. Ne sachant que faire du nourrisson, l’homme le dépose dans l’auge où ne subsiste plus qu’une ultime bouchée de foin. L’âne grogne bien sûr et le bœuf l’imite à bon droit puisqu’il s’agit de sa pitance. Préférant les séparer, l’homme installe alors le bébé et le berceau improvisé entre les deux. Ce n’était peut-être pas la plus habile manière d’obtenir la paix. Mais il est des circonstances où les jeunes pères ne réfléchissent plus beaucoup. Au matin, des bergers poussant devant eux leur petit troupeau observent la scène avec sympathie. L’un propose quelques dattes, un autre du fromage, un troisième le lait de sa meilleure chèvre. Dans les jours qui suivront, le couple recevra plusieurs autres visites dont celle, étrange, de représentants de commerce venus déposer un échantillon de leur marchandise, qui une once d’or à six carats, qui un bâtonnet d’encens, qui une petite fiole de myrrhe d’Arabie. Selon eux et en dépit des apparences, l’enfant serait en effet promis à un avenir grandiose. Au bout d’une semaine, la petite famille reprendra sa route en compagnie de son âne frais et reposé. Mais qu’en fut-il du bœuf ? Retourna-t-il aux champs après une nuit aussi agitée ? Bénéficia-t-il d’une journée de repos exceptionnelle ou même d’un arrêt de travail ? Lui restait-il des RTT à prendre ? On ne le saura jamais. Aujourd’hui, insensibles à l’obscur destin du placide animal mais voulant malgré tout commémorer dans son cadre bucolique originel la naissance de l’enfant en question, nombre de citadins n’hésitent pas à quitter la chaleur de leur foyer pour s’enfoncer avec hardiesse dans les ténèbres provinciales. Les interminables processions de leurs véhicules s’étirent au long des autoroutes sous le regard impassible des agents motocyclistes de la circulation. Les voyageurs arriveront à destination exténués et hagards mais heureux. Le lendemain, quelques-uns iront glisser sur la neige. Les autres embrasseront leurs parentèles. Ils échangeront même quelques cadeaux entre deux agapes pour célébrer leurs retrouvailles. Il n’est même pas exclu qu’à cette occasion, ils ne se régalent ici ou là d’une belle tranche d’aiguillette ou de faux-filet arrachés à la carcasse de l’infortuné bovin bien mal récompensé de son abnégation. On voit par-là combien l’homme est inconséquent envers les animaux qu’il a lui-même élevés. Ce qui nous laisse bien des choses à penser.

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Commentaires
L
Un peu de bicarbonate fera digérer tout ça...
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