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Chroniques d'un vieux bougon
21 mars 2017

Concerto en mi majeur.

vivaldi1

       L’idée flottait dans l’air depuis deux à trois semaines. Les chatons des noisetiers dispersent à présent leur pollen à tout vent, les jonquilles exhibent sans pudeur leurs corolles jaunes et blanches, le rouge-gorge fait sa cour et les mésanges bleues investissent leur nichoir. Depuis dimanche matin et à l’adresse de la clientèle parisienne, la boulangère arbore son généreux décolleté pigeonnant et dans son officine, la pharmacienne diffuse, dans sa version "ascenseur", le concerto en mi majeur RV269 d’Antonio Vivaldi. Comme si c’était le fameux prêtre roux italien qui donnait le signal de départ au printemps !  En réalité, l’affaire remonte à beaucoup plus loin. Notre petite planète a connu depuis toujours nombre de convulsions qui ont peu à peu façonné son apparence. Basculements de son axe de rotation si approximatifs que les astronomes ont dû longuement plancher sur de complexes calculs de précessions des équinoxes et d’années bissextiles. Innombrables éruptions volcaniques dont l’Auvergnat peut chaque jour contempler le troupeau épars des Puys pour randonneurs du dimanche et curistes arthritiques. Pluies de météorites rarement prévues par les services de la météorologie nationale dont se servirent par exemple les constructeurs de Charente-limousine pour bâtir leurs thermes gallo-romains, leurs églises ou leurs chaumières. Mouvements hercyniens dus à la dérive des continents qui permettent aux skieurs de descendre "tout schuss" les pentes escarpées de leurs montagnes préférées. Refroidissements climatiques dont les formidables glaciers creusèrent dans des roches vieilles de plusieurs millions d’années des vallées en U, contrairement aux rivières qui creusent leur lit dans des vallées en V comme on nous l’apprenait jadis à l’école communale. Réchauffements tout aussi climatiques qui faisaient fondre les glaces, dégageant ainsi de vastes prairies tapissées de coquelicots, de pâquerettes et de diplodocus. Lesquels abandonnèrent la place aux petits mammifères rongeurs tels que les musaraignes, les taupes et les campagnols. Puis les fous de Bassan, les choucas des clochers et les gypaètes barbus peuplèrent bruyamment les cieux et les grillons du métro, les puces de chien et les cancrelats s’insinuèrent dans les interstices domestiques. Le temps était alors venu de mettre en place les saisons afin de stimuler l’inspiration des poètes bucoliques, de fixer les dates des vacances scolaires et de soutenir le commerce des manteaux et des maillots de bain et, plus généralement, du prêt-à-porter féminin. Mais le printemps n’a pas que des répercussions sur le calendrier ou la faune et la flore des courtils. Il pénètre aussi les villes depuis les trottoirs des boulevards pour touristes étrangers où la parisienne met un point d’honneur à remonter sa jupe au-dessus du genou pour faire couleur locale jusqu’aux rues les plus sombres où s’embrassent furtivement les adolescents. Car c’est la période où la jeune fille inflige à son entourage ses langueurs monotones, répond impoliment à sa mère qui lui demande de "faire la vaisselle" et regarde d’un œil de bergère le boutonneux pâtre grec du cinquième. En un mot, elle a besoin d’un mari. Et c’est également la période où l’énarque commence à préparer ses examens, rougit bêtement lorsque sa professeur de français l’interroge et jette ensuite sa gourme par-dessus les moulins avant de se lancer dans la politique. On voit par-là que l’équinoxe de printemps peut ouvrir sur des aventures qui laissent toujours bien des choses à penser.

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Commentaires
A
C'est fou ce qu'il a fallu de galipettes et de cabrioles à notre planète pour que fleurisse une primevère dans mon jardin !
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L
Cher ami, on sent aussi que le printemps ne te laisse pas indifférent...
Répondre
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