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Chroniques d'un vieux bougon
19 janvier 2018

Abeilles, bourdons et coccinelles.

abeilles_bourdons

      Je n’ai trouvé à ce jour aucune trace sur les magnifiques photographies de la Terre de notre inénarrable Yann Arthus-Bertrand ni même de celles de notre astronaute national Thomas Pesquet des innombrables monticules qui illustrent la pelouse de mon courtil. Et pourtant ! Il semblerait que son seulement l’âme de Hémiounou, l’architecte de la pyramide de Khéops, se soit ici réincarnée en taupe, mais que ces infernaux artisans chtoniens se soient lancés dans une compétition sauvage quant à la taille et au nombre de leurs ouvrages. Un vieil ami, ancien libraire reconverti dans le maraîchage bio, à qui je faisais part de ce gigantesque chantier me félicita : leur présence révèlerait la belle richesse de ma terre en lombrics, larves et insectes divers dont ils se nourrissent. « Ta terre est vivante ! »                                                                                         Une terre vivante est en effet une belle richesse. Tonifiée par des tontes régulières et aérée par l’activité fébrile des merles, pies, geais et moineaux pour lesquels elle constitue un garde-manger libre de toute redevance, la pelouse peut d’autant mieux s’épanouir que si les abords les plus proches ainsi que les allées sont taillés au plus ras pour satisfaire à l’irrépressible prétention du jardinier de maîtriser la nature, les espaces plus éloignés sont abandonnés à eux-mêmes. Les fleurs peuvent ainsi exprimer au fil des mois leurs plus chatoyantes couleurs. Coquelicots, bleuets et boutons d’or dessinent un tapis si flamboyant qu’il serait bien dommage d’en priver les abeilles, bourdons, coccinelles et autres papillons. C’est pourquoi j’ai bien du mal à comprendre ces végétariens, dont les ancêtres étaient depuis toujours des hominidés omnivores comme les autres, se refusent aujourd’hui à se nourrir de viande par crainte de faire souffrir les animaux mais n’hésitent pas à arracher, éplucher, couper, tailler, malaxer, émincer, broyer, "mixer", ébouillanter et cuire même des plantes qui n’ont rien demandé à personne. Leur seule revendication n’est que de germer, grandir, fleurir, produire des graines pour se reproduire et mourir quand l’heure en sera venue à l’instar des veaux, vaches, cochons, couvées qui partagent leurs prairies et des êtres humains qui les admirent avant de les mettre dans leur assiette. Pourquoi un chêne, un bouleau ou un châtaignier ne souffriraient-ils pas de se voir amputés d’une ou plusieurs branches ou même sauvagement tronçonnés pour devenir poutre, buffet ou cendre dans une cheminée ? On sait aujourd’hui l’extrême complexité qui organise la vie d’un arbre au point de parler d’émotions sinon même de pensées. Depuis ses racines nourricières les plus fines jusqu’aux brindilles les plus élevées, c’est toute une vie d’autant plus somptueuse qui se bouscule à l’approche de la reverdie que les feuilles qui les habillent pratiquent l’une des métamorphoses les plus prodigieuses qui soient, la transformation de la lumière du soleil en composés organiques. N’est-ce pas gâcher de la vie pour des productions bien triviales ? Certes, tout comme les dorades, les huitres ou les écrevisses, on ne les entend pas crier à l’heure du sacrifice alors que les meuglements d’un bœuf conduit à l’abattoir fendent le cœur. Je ne saurais croire toutefois à des raisons aussi primitives. Tout comme je ne saurais croire qu’il existerait une échelle de valeur de la vie. Une cellule de laitue ou de poireau vaudrait-elle moins que celle d’une poitrine de mouton de pré salé ou celle d’une main raffinée d’employé de sous-préfecture ? Certes, ce dernier possèderait l’intelligence en plus. Mais l’intelligence n’est qu’un moyen d’améliorer l’action de la nature. Ou, hélas, également de la détériorer, ce que ne sauraient faire un rosier, un radis rose ou un lilas.                                                                                                                                                                                                                                                  Pour l’heure, j’observe, perplexe, le tracé cabalistique qu’esquissent les protubérances qui agrémentent mon courtil et je m’interroge. Quel message secret les korrigans qui les habitent tentent-ils de me transmettre ?

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Commentaires
L
On a donné l'intelligence à l'humain, sans lui donner le mode d'emploie !
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