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Chroniques d'un vieux bougon
26 janvier 2018

Mai 68

mai_68

         C’était il y a cinquante ans. L’hiver était là bien sûr et un petit vent borée piquait les joues mais le soleil jetait sur la ville un air de printemps avant l’heure. Invité par Jo Moustaki, Serge Reggiani se préparait à chanter sur la scène de la Maison de la Culture de Caen. Mais une grande clameur secouait la torpeur du soir autour de la faculté de droit. D’un côté, en rangs serrés, bouclier en avant et grenade lacrymogène à la main, les CRS tentaient de protéger les commerces, la Préfecture et la mairie. De l’autre, les mineurs en grève de la Société Métallurgique de Normandie tentaient de faire entendre leurs revendications D’un commun accord, artistes et spectateurs ont convenu de se retrouver plus tard et sont allés grossir les rangs des manifestants. Deux mois plus tard, Paris s’enflammait à son tour.

         Nous avions 20 ans et l’ordre établi nous pesait. Nous l’avons bousculé et un courant de liberté, d’audace et de détermination souffla sur la société. Nous ne voulions plus voir de bidonvilles à l’entrée des agglomérations et nous ne voulions plus vivre chichement comme nos parents et grands-parents. Nous avons construit des villes nouvelles. Nous voulions plus de confort dans nos maisons et nos appartements. Nous avons équipé nos cuisines de robots qui facilitent la vie quotidienne, aspirateurs, lave-linges, réfrigérateurs, congélateurs. Nous voulions visiter les cinq continents. Nous avons construit des voitures et des routes, des ponts, des tunnels, des autoroutes, des trains à grande vitesse et des avions. Nous avons même exploré le cosmos et l’univers pour mieux les comprendre et y situer notre place. Nous voulions communiquer et nous informer plus facilement et plus rapidement. Nous avons installé le téléphone dans chaque foyer puis dans chaque main et créé internet. Nous voulions, pour les pauvres comme pour les riches, les meilleurs soins pour faire face aux maladies. Nous avons construit des hôpitaux un peu partout, nos chercheurs, dans de vastes laboratoires, ont cherché, trouvé et fait reculer bien des épidémies. Nous avons voulu que nos parents vivent mieux leur vieillesse que les leurs. Même s'il reste encore beaucoup à faire, nous avons tout de même modernisé, adapté, construit des maisons de retraite, des foyers d’hébergement, des lieux d’accueil de jour et de nuit. Nous voulions nous instruire. Nous avons créé des écoles, des collèges, des lycées et des universités pour accueillir tous les élèves qui le souhaitaient.  Nous voulions nous distraire. Nous avons construit des stades, des piscines, des parc de loisirs. Nous voulions la culture pour tous parce qu’elle ouvre les yeux, les esprits et les âmes sur les horizons les plus lointains. Nous avons installé des bibliothèques dans chaque ville, dans chaque quartier, dans chaque village, des théâtres et des salles de concert pour toutes les musiques jusque dans chaque sous-préfecture.

         Nous avons bien sûr commis bien des erreurs et connu bien des désillusions, par maladresse, par ignorance ou par paresse. Nous n’étions que des hommes et des femmes ordinaires avec leurs qualités et leurs défauts, leurs manquements, leurs petites et grandes lâchetés, leurs joies, leurs peines, leurs douleurs. Mais non seulement nous n’avons pas, et pour la première fois depuis des générations, envoyé nos propres enfants faire la guerre mais nous avons travaillé dur pour bâtir un monde plus large et plus beau. Comme nous, il est évidemment imparfait et comme toujours inachevé. Parce qu’un monde parfait n’existe pas et qu’il faudra encore et encore travailler dur pour l’embellir et le rendre plus juste et plus bienveillant. Mais ça, c’est votre défi désormais.

        Vous avez vingt ans et, comme pour nous, un vaste chantier s’ouvre devant vous. Vous quittez l’enfance où vous avez été bien plus choyés que nous ne l’avions été, plus protégés, plus gâtés aussi. Vous êtes adultes et vous avez bien plus de cartes en main que nous n’en avions. Plus instruits, plus libres, plus forts. Alors, il n’est plus temps de se plaindre ou de fuir devant les difficultés et les duretés du présent. À vous désormais de prendre vos responsabilités. Le monde que nous vous laissons ne vous satisfait pas ? Secouez le, bousculez-le, réformez le, transformez le ! À votre tour, imaginez, inventez et construisez le monde de vos rêves.

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Commentaires
M
Si ton article était paru en 68, les gens n'auraient pas voulu croire à de tels changements en 50 ans. Cela faisait partie de la fiction.
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L
J'étais militaire...Un mois de perm forcée !
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