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Chroniques d'un vieux bougon
10 juin 2018

Oradour sur Glane, 10 juin 1944.

oradour

    « Lorsque je me promène ici, lorsque je m’assois là, sur ce qui était une petite place, je ne vois pas le même paysage que vous. Je vois un village intact, celui que j’ai connu, jusqu’au jour où les SS sont arrivés. » Ainsi s’exprime Robert Hébras au sujet de son village d’Oradour sur Glane. Un village gai et vivant comme tous les villages des alentours. Traversé des odeurs des champs tout proches, du pain que le boulanger sort du four, de la brillantine des coiffeurs pour hommes, du cuir du cordonnier, du cambouis des garagistes. Un village sans histoires. Il entrera dans l’Histoire ce matin du 10 juin 1944.

    Le soleil inonde la campagne. Les vaches sont dans les prés où l’herbe est grasse. Il y aura du foin cette année. Les enfants sont à l’école. Les femmes font quelques courses à l’épicerie ou chez la mercière, hauts lieux de rencontres avec l’église. Le maréchal-ferrant et le docteur échangent quelques mots au sujet d’une cohorte motorisée de l’armée allemande remontant vers la Normandie où les alliés ont débarqué quatre jours plus tôt. Mais on ne s’en inquiète pas outre mesure ici. Les Boches semblent bien trop pressés de gagner leur nouveau front pour s’attarder. Pourtant, vers 14 heures, un détachement du premier bataillon du quatrième régiment de Panzergrenadier "Der Führer" de la panzerdivision de la Waffen SS "Das Reich", se présente. Sous le prétexte de contrôler l’identité des habitants, ils rassemblent toute la population sur la place du Champ de Foire.

Après discussion avec le maire qui tente l’impossible pour protéger ses administrés les femmes et les enfants sont conduits jusqu’à l’église. Les hommes sont regroupés et entraînés vers les garages, les granges et les remises. Le Stuhrmann führer, soi-disant à la recherche d’un dépôt de munitions, ordonne une perquisition générale. L’attente est longue. Assis dans le foin, les jeunes discutent à propos du match de foot prévu pour le lendemain. Les SS, armes sur l’épaule, semblent décontractés et chahutent entre eux. (La plupart ont entre 18 et 20 ans.) Les mitrailleuses orientées vers les lieux ont sont parqués les hommes représentent la seule vraie menace. Soudain, une détonation retentit.

Les SS se ruent sur leurs armes et font feu. Ils tirent pour tuer. Pas de survivants ! Ils recouvrent les corps des hommes de paille et de fagots et y mettent le feu. Dans l’église, ils disposent une caisse de fumigènes dans le but d’asphyxier les femmes et les enfants. À moins que ne soit pour ne pas voir leurs corps s’effondrer car ils ouvrent les portes et mitraillent à l’aveugle. Le village est ensuite incendié, méthodiquement, maison par maison, hangars, remises, appentis. Dans sa rage meurtrière, la force brune ne veut pas laisser de traces. Lorsqu’ils reprennent leur route vers le nord, les SS abandonnent derrière eux 642 victimes.

Une femme et cinq hommes survivront malgré tout. Robert Hébras est l’un d’eux. Dans un beau livre témoignage, "Avant que ma voix ne s’éteigne", il raconte, une fois de plus, les événements qu’il les a vécus. Car malgré l’émotion qui à chaque fois l’étreint il parle. Il s’en est fait un devoir. Il parle aux jeunes des écoles, des collèges et des lycées français comme aux jeunes allemands, à celles et ceux qu’il guide à travers les ruines, à la radio, à la télévision. Il raconte encore et toujours. Simplement. Avec ses mots à lui. Comme on l’a vu en septembre 2013 raconter, une fois de plus, aux présidents François Hollande et Joachim Gauck l’enfer qu’il a vécu et le martyre de son village. Parce que, comme disait le Général de Gaulle, "il ne faut plus jamais qu’un malheur pareil se reproduise". (Lire "La page de catéchisme" d’Albert Valade aux éditions de la Veytizou et "Avant que ma voix ne s’éteigne", de Robert Hébras, propos recueillis par Laurent Borderie, Elytel éditions)

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Commentaires
F
Terrible tableau dressé des ressorts psychologiques, des spirales mentales infernales, des organisations criminelles qui conduisent l'homme à n'être que le pire des animaux. Bientôt les témoins directs de cette barbarie absurde là se feront rares, d'autres leur succéderont, témoins rescapés d'autres charniers...
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M
Il y a eu Tulle aussi. Que d'horreurs...
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O
Merci pour c rappel d’histoire, il faut c souvenir, pas oublié, car un « rien » peut tout faire exploser.
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M
Malheureusement, il n'y a pas eu que Oradour. Tous les habitants de Précy saint Martin dans l'Aube ont été tués et leurs noms sont inscrits dans l'église. Le village est plus petit et n'a pas été incendié. On n'en parle même pas sur Wikipedia.
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L
Quand je vois ce qui se passe encore de nos jours, je suis désespéré...
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