Du pain et du vin.

Paul n’est pas méchant homme. Il a hélas un gros défaut. Depuis que son épouse l’a quitté au bénéfice(?) d’un bellâtre de passage, il trompe sa déception et son ennui avec un verre de vin puis deux puis trois…Sa récente visite à la boulangerie du village a, une fois de plus, déclenché un esclandre digne d’un lendemain d’élections municipales.

Paul n’est évidemment pas le seul à abuser ainsi de la dive bouteille. De l’"apéro" mondain au banquet de fin d’année, de la sortie en discothèque à la tournée des bars du samedi soir, nombre de ses congénères titubent comme lui jusqu’à leur couche au point de s’y effondrer pitoyablement sans égard aucun pour les lointaines leçons de sobriété enseignées jadis à l’école communale.

C’est que, depuis ses origines, l’Homme est victime de l’alcool et de ses débordements. La Genèse s’en était faite écho en son temps. (Chronique du 8 mai 2015.) Selon Jean l’évangéliste (Chapitre 2 verset 1 à 11), Jésus lui-même aurait transformé de l’eau en vin au cours d’un repas de mariage dans la ville de Cana en Galilée. Les ethno-anthropologues prétendent que la culture de la vigne marquerait, 5000 ans avant notre ère, les véritables prémices de la civilisation. Les archéologues sont plus partagés.

D’aucuns accordent au pain la primauté dans l’alimentation d’une population toujours plus nombreuse. Ils avancent pour preuve la découverte en Jordanie d’une galette rabougrie et noircie de cendre et de charbon de bois vieille de 14000 ans. Pour en arriver là, des apprentis paysans, qui avaient tout à inventer, avaient dû bêcher à la houe de buis une surface conséquente, épandre d’un geste auguste de semeur des graines sauvages récoltées à la main puis attendre en espérant la pluie pour une bonne levée et un ciel dégagé pour une bonne moisson. Il leur fallut alors faucher et ramasser, toujours à la main, une quantité suffisante d’épeautre, le battre, le transformer en farine, la pétrir, encore à la main, la faire cuire et étendre dessus une belle couche de pâte à tartiner pour la rendre mangeable. On était certes encore loin de la baguette tradition, la star des artisans boulangers d’aujourd’hui, mais c’était indubitablement un premier pas vers la modernité.

D’autres par contre vantent la bière. On aurait en effet identifié des traces d’alcool d’origine non naturelle sur des mortiers de pierre exhumés de l’histoire sur le site de Raquefet en Israël et remontant à 13000 ans. L’appareil aurait été constitué de millet, d’épeautre ou d’engrain malté et fermenté pour donner de la bière ou, au moins, quelque affreux porridge alcoolisé comme savent si bien en concocter nos amis d’Outre-Manche.

Mais s’il est aisé de comprendre l’utilité du pain pour nourrir une famille ou une tribu, on se perd en conjectures quant à la destination de boissons alcoolisées. Servaient-elles à atteindre des états "supérieurs" au cours de cérémonies rituelles ? À accompagner des ripailles pantagruéliques aux fêtes de solstice ? Ou, plus prosaïquement, à tenter d’oublier la faim ? L’histoire de l’Homme et de ses relations avec l’alcool obligent en réalité à reconnaître que la cervoise a probablement précédé, et de loin, le croissant au beurre.

Peut-on en déduire pour autant que Paul ne fait ainsi que se conformer à l’archétype de l’être humain et suivre les habitudes sinon les conseils de ses lointains ancêtres ? Les parangons de la tempérance sont-ils les mieux placés pour brandir le pain comme emblème de notre civilisation ? Un verre de Romanée-Conti à 550 000 dollars la bouteille de 75ctl peut-il conduire le béotien sur le chemin du bon goût ? Une petite liqueur en fin de repas, consommée bien évidemment avec modération, peut-elle aider à résoudre cette énigme ? Cent questions toujours non résolues à ce jour !

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Comments

[le mediateur]

La cave, richement dotée, du Sénat, serait-elle à l'origine du conflit actuel de ce dernier avec l'Exécutif ? "Les meilleurs crus et la République", voilà un bon sujet d'étude pour notre cher Vieux Bougon...

[Loulou le filou]

Oui mais le croissant au beurre n'est pas sans danger, comme le verre de vin...