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Chroniques d'un vieux bougon
17 septembre 2019

Monts et vallons.

monts_et_vallons

Dans ma chronique du 26 mars dernier, je reprochais à Sapiens de n’être pas parvenu, en quelques 300 000 ans d’existence et en dépit de sa si brillante intelligence, à éradiquer la bêtise. J’avais tort. Il semblerait en effet que, selon le professeur en sciences du comportement Nick Chater, la bêtise soit en réalité le lot commun d’Homo Sapiens. Sa "théorie de l’esprit plat" démontre que loin d’être insondable, l’esprit humain fonctionne de façon totalement … superficielle.

Il était jusqu’ici communément admis qu’à l’image des Monts avec leurs sommets et leurs vallons, l’esprit humain connaissait des hauts et des bas. Il allait de soi que les Michel Onfray ou Luc Ferry, par exemple, occupassent les apogées tels des chênes et des châtaigniers au faîte d’une colline verdoyante. La charité chrétienne obligeait alors à garder pudiquement sous le boisseau les habitués des combes obscures et des frondaisons impénétrables. Il faudra désormais revoir ces clichés hérités de plusieurs millénaires, lorsque Platon et Schopenhauer étaient installés au pinacle des lumières et l’adjudant-chef sorti du rang dans les ténébreux replis de la fameuse grotte. En un mot, ce que nous appelons nos convictions, notre personnalité et notre inconscient, voire même nos "pensées" ne seraient que le reflet de notre prétention.

Qui n’a jamais dit : je pense que… ? Il peut arriver que l’allégation ensuite énoncée soit le fruit de longues réflexions puisées dans les livres savants, argumentées de cent propos, enrichies d’avis contradictoires et parachevées de conclusions finement élaborées. La plupart du temps, hélas ! il ne s’agit que de banales observations telles que le homard est trop cuit ou le Chassagne-Montrachet pique un peu. Socrate et son célèbre "connais-toi toi-même" laissait croire que nous possédons tous, à plus ou moins grande échelle, un "moi intérieur" qui guiderait notre conduite sinon même nos postures. Tout cela ne serait qu’illusion et la faute en reviendrait à notre cerveau lui-même.

Les nutritionnistes expliquent bien que les lucratifs régimes minceur ne peuvent guère se révéler efficaces parce que nous ne pouvons pas tromper notre cerveau. Vous pouvez absorber tous les ersatz possibles et imaginables pour lui faire croire que vous absorbez une nourriture à la fois saine et équilibrée et enrichissante pour votre organisme. Lorsqu’elle atteint votre intestin, les bactéries qui le colonisent font le tri et les neurones, connectés en permanence à leur poste de commandement, lui transmettent derechef les résultats des analyses : attention, tromperie sur la marchandise ! Ainsi, vous partagez les convictions des adeptes du véganisme mais pour avoir l’air "comme tout le monde" ou pour flatter votre goût nostalgique pour la pitance que vous servait votre grand-mère, vous vous nourrissez d’une mixture aux apparences d’entrecôte de bœuf limousin ou de saucisses de Strasbourg. Sachez que votre cerveau n’est pas dupe de ces petits aménagements avec la vérité !

Il agit de même avec ce que nous appelons pensées, souvenirs, choix cruciaux et autres balivernes. Notre cerveau travaille en temps réel et il est exclusivement accaparé par les interprétations instantanées qu’il doit donner face aux mille informations qui l’assaillent. Alors, comme n’importe quel ordinateur familial, il échafaude, il combine, il accommode et, en fin de compte, il improvise ses réponses en fonction de nos habitudes. Et comme il est particulièrement rapide et performant, il nous donne l’impression, comme n’importe quel moteur de recherche, d’aller puiser dans les profondeurs insondables de notre mémoire et de notre soi-disant sur-moi. Nous sommes en définitive victimes des prouesses de notre propre cerveau, victime lui-même de millions d’années d’évolution darwinienne.

L’Intelligence Artificielle qui fait l’objet de tant de recherches et d’expérimentations de par le monde sera-t-elle capable un jour de nous en délivrer ? Est-ce souhaitable ? L’avenir du futur s’annonce décidément riche en surprises. 

(Suivre régulièrement les chroniques du vieux bougon en s’abonnant à newsletter)

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Commentaires
L
Quand j'étais enfant chez ma mère et ma grand-mère on mangeait tous les jours dans un trois étoiles Michelin...Et comme un imbécile je pensais que toute ma vie j'allais me nourrir comme ça...
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L
Cher Vieux Bougon, la bêtise est avant une propriété humaine et l'intelligence n'a besoin d'aucun artifice. Mais courir après des chimères, cela occupe bien du monde... 😋
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