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Chroniques d'un vieux bougon
22 octobre 2019

Nous vivons une époque formidable.

epoqueformidable

À l’instar de ses cousins Neandertal, Denisova ou Florès, Cro-Magnon vivait sans eau courante à l’évier et sans le gaz et électricité à tous les étages, sans chauffage central ni climatisation, sans impôts directs ni TVA, sans redevance tv, sans téléphone sans fil et même sans trottinette et il est malgré tout parvenu à créer une descendance qui pullule aujourd’hui jusque dans les moindres recoins de la planète.

Le progrès ayant joyeusement progressé depuis 30 000 ans, l’homme d’aujourd’hui peut en effet s’enorgueillir, en authentique contemporain de son époque, de jouir de toutes ces facilités qui aident à supporter les aléas du destin comme les retards de la SNCF, les pluies de novembre, le pot de départ du sous-chef de bureau, les zones blanches sans internet et les vacances avec les beaux-parents. Mais depuis Freud, chacun sait qu’il est vain d’espérer faire de grandes choses dans l’existence et moins encore de réaliser des exploits sans accepter, à l’image de ces ancêtres de jadis, quelques-unes de ces petites frustrations qui aiguillonnent l’ambition.

C’est pourquoi l’homme d’aujourd’hui s’évertue-t-il à vivre sans mauvéine, sans fuchsine, sans dioxyde de titane, sans glutamate de sodium, sans hydroxy toluène, sans benzoate de sodium, en un mot, sans colorants ni conservateurs alimentaires. Sans tétrachlorvinphos, sans parathion, sans malathion, sans diazinon, et sans glyphosate, en un mot sans pesticides, fongicides ni herbicides. Sans alkyl phénols, sans BHA, sans BHT, sans bisphénols A, S ou F, sans cadmium, sans parabènes, sans phtalates, en un mot, sans perturbateurs endocriniens. Des puristes ajoutent même sans gluten, sans lactose, sans porc ou tout autre ingrédient d’origine animale tels le beurre charentais, le camembert normand, les œufs mimosa, la gelée royale et le caviar ! Et le succès jamais démenti de certains médicaments sans le moindre souvenir d’avoir jamais contenu la plus infime trace de résidu de principe actif illustre bien cette volonté de vivre désormais dans un monde "sans".

Conscients de devoir demeurer dans l’air du temps, les génies du marketing se voient dès lors contraints de faire savoir au chaland que les produits qu’il aperçoit sur les rayonnages de ses supers magasins s’inscrivent effectivement dans les nouvelles tendances. Vous ne trouverez plus de croquettes pour petit-déjeuner sans inscrite en lettres de feu la liste des "sans". Et tous ces produits étant, de facto, estimés "bio", il convient d’en consigner le fait en larges cigles d’une attrayante couleur verte. Il reste ainsi de moins en moins d’espace disponible pour informer intelligiblement le consommateur sur les composants effectivement présents. Sauf, bien sûr, à agrandir les emballages ! Mais comment voulez-vous, dans ces conditions, préserver nos vastes forêts ancestrales grandes pourvoyeuses de pâte à papier ?

Nous vivons donc une époque formidable où rien ne peut arrêter la marche irrésistible d’une société qui, faisant fi de ses contradictions, est capable à la fois d’investir toute son énergie dans l’avenir périlleux de l’intelligence artificielle et de revenir vers son passé.

Ainsi devrons-nous désormais réapprendre à vivre sans cotons tiges en plastique, coupables par notre négligence de polluer les mers et les océans. Retrouverons-nous les gestes de nos grand-mères ôtant en grognant une épingle de leur chignon pour curer nos oreilles encombrées ? Devrons-nous désormais, pomper nous-mêmes d’un doigt précautionneux l’antique poire en caoutchouc ressortie du tiroir du vieux bahut campagnard hérité du grand oncle Roger et remisé au garage au rang d’armoire à outils ? La modernité se nichera-t-elle demain dans les coutumes d’antan ? L’avenir du futur nous réserve décidément bien des surprises.

(Suivre régulièrement les chroniques du vieux bougon en s’abonnant à newsletter)

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Commentaires
A
"La modernité se nichera-t-elle demain dans les coutumes d’antan ? L’avenir du futur nous réserve décidément bien des surprises".<br /> <br /> Porké non ?<br /> <br /> Si déjà l'élevage concentrationnaire était aboli au profit de celui d'antan, à savoir en mangeant de la barbaque avec parcimonie et non au bi-quotidien, la remplacer par des légumineuses et céréales, champignons et oeufs etc ce serait un progrès respectueux du temps jadis, sans oublier l'abandon des substances nocives qui empoisonnent la terre et les hommes à outrance.
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L
Cher Vieux Bougon, pour nourrir, s'il le fallait encore, je vous conseille «La gouvernance par les nombres» d'Alain Supiot dont l'érudition et la clarté de son propos sont édifiants pour la compréhension du monde présent 🙋
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R
Ah, "l'avenir périlleux de l'I.A." Votre billet est savoureux, comme toujours...
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L
L'époque est peut être formidable, mais pas le genre humain.
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