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Chroniques d'un vieux bougon
19 novembre 2019

Mais où sont les aventuriers ?

aventuriers

Depuis sa Tanzanie natale, Sapiens flânera pendant plusieurs centaines de millénaires à travers l’Afrique et le Moyen-Orient avant de gagner le fameux Croissant Fertile et nos régions tempérées. Jules César musardera pendant plus d’un lustre à travers la Gaule avant de vaincre à Alésia. Le futur Louis XIV vagabondera à travers son futur royaume pendant près de quinze mois avant de rejoindre l’infante Marie-Thérèse à Saint-Jean-de-Luz. Le "grand tour" d’Europe de Mozart l’entraînera pendant plus de quatre ans de Salzbourg à Munich, d’Augsbourg à Mannheim, de Francfort à Bruxelles et à dix autres villes du continent dont Paris. Et Franz Liszt consacrera presque cinq Années pèlerinage à ses pérégrinations musico-touristiques à travers la Suisse et l’Italie en compagnie de Marie d’Agoult. On savait alors prendre le temps de voyager.

170 ans plus tard, Sylvain Tesson lui-même acceptera certes de tourner en rond autour de sa cabane Dans les Forêts de Sibérie pendant six longs mois. Mais il n’en affectera qu’un seul à La Panthère des neiges du Tibet. Depuis Jules Verne et son Tour du monde en 80 jours en effet, on ne s’attarde plus désormais dans l’admiration des paysages : on saute dans un avion. On ne voit rien bien sûr des contrées survolées mais qu’importe ? On ne voyage plus, on se déplace.

Ainsi, imaginons que demeurant dans le 19ème arrondissement de notre belle capitale, vous décidiez ce lundi 4 novembre dernier d’aller écouter à la Philharmonie Martha Argerich et l’Orchestre de l’Académie Sainte Cécile de Rome sous la direction de Sir Antonio Pappano. Vous enfourchez écologiquement votre bicyclette, vous pédalez gaiement jusqu’à la salle Pierre Boulez et vous vous asseyez, à peine essoufflé, dans votre fauteuil. Vous applaudissez à l’Ouverture d’Euryanthe de Carl Maria Von Weber, vous vous laissez emporter par le Concerto pour piano et orchestre n°1 en mi bémol majeur de Franz Liszt et vous redécouvrez littéralement la Symphonie n°2 de Robert Schumann. Mais après l’ultime point d’orgue final, vous rentrez chez vous avec moins encore de péripéties à raconter que si vous étiez allé faire vos courses au "market-express" du bas de la rue.

Par contre, si vous habitez la province, l’aventure commencera dès la réservation d’un billet de train. Elle se poursuivra au milieu de la cohue devant les panneaux d’information du hall d’accueil de la gare : le train espéré partira-t-il, le wagon envisagé est-il maintenu, l’horaire prévu sera-t-il respecté ? Mais la voix mécanique de l’hôtesse en annoncera l’arrivée à quai. Vous vous précipiterez et vous hisserez tant bien que mal avec votre valise toujours trop lourde jusqu’à votre place.

Là, il vous faudra expliquer à la fille qui s’y est avachie écouteurs sur les oreilles et smartphone entre les doigts que vous souhaitez faire valoir vos droits. Elle s’exécutera après un temps d’hésitation mais de mauvaise grâce, le regard noir et le soupir assourdissant. Puis, tentant d’ignorer les monologues de vos voisins dans leur téléphone portable, les gargouillis des tablettes de jeux des ados d’à-côté et les conversations hautes en couleurs qui fusent de toute part, vous vous abîmerez dans la contemplation morose des panoramas qui défileront de l’autre côté de la vitre. Et si la voie n’est pas encombrée par quelque troupeau de bovins ou par des arbres abattus par la dernière tempête, si nul camion n’a choisi de stationner inopportunément sur un passage à niveau stratégique et si aucune altercation intempestive n’a incité le conducteur de la locomotive à se déclarer derechef en grève, vous arriverez peut-être à destination avec seulement une petite demi-heure de retard. Et le soir, nanti de ces mille rencontres inattendues, vous applaudirez vous aussi à la virtuosité musicale de la pianiste, à l’admirable cohésion de l’orchestre et à la maîtrise toute en délicatesse du chef.

De nouveaux avatars riches en rebondissements vous attendront évidemment le lendemain et les jours suivants avant que vous ne retrouviez le calme de votre courtil blotti dans sa vallée perdue au cœur des Monts. Mais ils enrichiront d’autant plus votre heureuse fortune de voyageur que l’avenir du futur réserve toujours des surprises.

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Commentaires
L
Ainsi va la vie, et, comme vous aimez le rappeler, la musique mérite quelques acrobaties pour être écoutée...🎻
Répondre
L
Et surtout que les ponts tiennent bien !
Répondre
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